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LES CLASSES RURALES

« notables » qui se constituèrent, grâce à elle, de beaux domaines forestiers ou achetèrent en vue de défricher ou d’instituer de ces fermes modèles propres à l’élevage des moutons-mérinos dont les préfets et les sociétés d’agriculture préconisaient l’établissement.

La culture de la bettrave qui se propagea rapidement depuis que la guerre maritime eut rendu inabordable le prix du sucre de canne, poussa aussi aux progrès de la grande exploitation. Elle paraît s’être répandue très largement depuis 1811 et les profits en durent être d’autant plus considérables qu’un décret du 1er  janvier 1812 prohiba l’entrée du sucre des Indes. L’industrie sucrière belge date de cette époque : des raffineries s’établirent, dès la fin de l’Empire, en Hesbaye, en Hainaut et en Flandre.

À côté de ces innovations, les pratiques de l’Ancien Régime se maintinrent à peu près sans changement. L’agriculture flamande conserva les procédés qui avaient fait d’elle un modèle universellement admiré et prôné comme exemple par les sociétés agricoles[1].

Le renchérissement du blé et des denrées alimentaires, favorisa constamment la prospérité des cultivateurs. En revanche, la progression des salaires ne suivant que très lentement celle du coût de l’existence, il en résulta pour les ouvriers ruraux une véritable catastrophe, attestée par les progrès du paupérisme et de la mendicité. Cette misère des travailleurs devait tourner au profit de l’industrie, en les poussant vers elle et en maintenant l’étiage des salaires au minimum, par la surabondance de la main d’œuvre.

Dès le commencement du Consulat, les industries traditionnelles de la région flamande, celle de la dentelle et celle du lin reprennent leur essor. Comme jadis, elles sont dirigées par des marchands-entrepreneurs, écoulant pour leur propre compte les produits fabriqués à domicile par les dentellières ou les tisserands de toile. La dentelle, dont les progrès du

  1. Voir de Lichtervelde, Mémoire sur les fonds ruraux du département de l’Escaut (Gand, 1815).