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LES INDUSTRIES TEXTILES

instruments servant au foulage, à la tonte, à la teinture et aux apprêts des draps. Le capitalisme, commercial à l’origine, se faisait industriel et s’investissait toujours plus largement dans les machines. On cherchait à augmenter la production et à diminuer le prix de revient en perfectionnant sans trêve la technique. Dison devenait un centre important de fabrication d’étoffes bon marché pour lesquelles les « queues et pennes » remplaçaient la laine. Après la crise terrible de 1792-1798, on s’était remis au travail avec ardeur. Les besoins des armées et la faculté d’exporter en France fournissaient aux fabricants des perspectives indéfinies de progrès : ils s’ingénièrent à en profiter.

Dès 1797, des efforts étaient faits pour introduire à Verviers les mécaniques inventées en Angleterre. John Cockerill, subventionné par les maisons les plus importantes de la place, construisait des assortiments de filatures dont un seul permettait à onze ouvriers d’exécuter la besogne de cent, et procurait par semaine au fabricant une économie de 464 livres. Cette substitution de la machine au travail à la main enlevait leur gagne-pain aux fileurs de la campagne. Ils affluèrent aussitôt vers la ville, où leur immigration eut pour conséquence d’empêcher tout relèvement des salaires. Le bas prix de la main d’œuvre et les progrès réalisés par la technique stimulèrent dès lors de plus en plus l’activité de l’industrie. Jusqu’à la fin de l’Empire, Verviers et les localités avoisinantes adonnées à la draperie, Hodimont, Ensival, Dison et Eupen, connurent une période ininterrompue de prospérité et, favorisés par la liberté de la concurrence, quantité d’hommes nouveaux y échafaudèrent des fortunes considérables. En 1810, quatre-vingt-six gros fabricants verviétois occupaient au moins 25,000 ouvriers[1].

En même temps, à l’autre extrémité du pays, Gand devenait le centre d’une fabrication nouvelle : la filature du coton. Liévin Bauwens avait réussi en 1798 à faire passer sur le continent

  1. Archives de l’État à Liège. Correspondance du Préfet de l’Ourthe, 24 octobre 1811.