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LA SITUATION ÉCONOMIQUE

se développe la construction des machines qui lui donnent la force et le mouvement. John Cockerill, en 1807, a jeté les bases du célèbre établissement qui continue de porter son nom. Deux cent-cinquante personnes y travaillent dès l’origine. Il en sort en nombre de plus en plus considérable des assortiments de filature, des mécaniques de toute espèce et des machines à vapeur[1].

Cependant, les inventeurs qu’excite le progrès constant de l’industrie, cherchent à lui appliquer les découvertes de la science. La fonte de l’acier est introduite à Liège en 1802. En 1810, J.-J. Dony s’ingénie à découvrir un procédé pour la fabrication du zinc, et ses efforts assureront, après sa ruine, la fortune de la société de la Vieille-Montagne.

Si le développement industriel du pays a largement profité des conditions favorables que lui offraient le nouveau régime politique, l’extension du marché, la grande production du charbon, il faut aussi reconnaître qu’il eût été impossible sans l’abondance et le bon marché de la main d’œuvre. Le capitalisme qui lui donne son essor a pour contre-partie la formation du prolétariat ouvrier. À vrai dire, le phénomène n’est pas surprenant. Il se reproduit périodiquement chaque fois que sous l’action de la liberté, l’expansion économique s’engage dans des voies nouvelles. Son élan déconcerte alors ou brise les contrôles auxquels elle s’est pliée jusque-là. L’initiative individuelle s’épanche souverainement jusqu’au jour où l’abus de la liberté qui l’a soutenue et qui est la condition de ses progrès, la soumettra de nouveau à la réglementation.

Au XIIIe siècle, les drapiers des villes flamandes, au XVIe, les hommes d’affaires de la Renaissance, au XIXe siècle enfin, les fondateurs de l’industrie moderne ont également réduit ou prétendu réduire les travailleurs à la condition de simples salariés. Jamais pourtant leurs efforts n’ont réussi aussi complètement qu’à cette dernière époque. La législation révolutionnaire, on l’a déjà dit, avait pour but d’affranchir les hommes

  1. E. Mahaim, Les débuts de l’établissement John Cockerill à Seraing. Vierteljahrschrift für Social und Wirtschaftsgeschichte, t. III. [1905], p. 627.