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L’ATTRACTION DE PARIS

quelque amateur, un Raepsaet, un de Bats, un S.-P. Ernst, un Diericx, s’adonne encore à des recherches d’érudition dont il conserve le plus souvent, faute d’éditeur, les résultats dans ses porte-feuilles. Ni l’opinion ni le gouvernement ne les encouragent. Malgré les instances de Camus et du préfet d’Herbouville, aucune subvention n’est accordée aux Bollandistes pour leur permettre de reprendre leurs travaux[1]. L’Institut honore bien, de loin en loin, quelques « nouveaux Français » de sa bienveillance. Il s’est associé le vieux Lens pour la peinture, le commandeur de Nieuport pour la mécanique, van Mons pour la chimie. Mais ces distinctions ne font qu’accentuer encore l’attraction de Paris. Tous les talents se dirigent vers la grande ville qui concentre en elle toutes les ressources et seule dispense la renommée.

Celle de Grétry et de Gossec stimule l’ambition de leurs compatriotes et les attire. C’est à Paris que le Brugeois Suvée reçoit la direction de l’École de France à Rome, que son concitoyen J.-B. van Praet devient un des conservateurs de la bibliothèque impériale. D’autres Belges s’y distinguent aux « concours de Rome » : en 1804 et 1807, les Brugeois Odevaere et van Calloigne, en 1808, le Liégeois Ruxthiel, en 1812, l’Ostendais Suys. Le jeune Bériot y fait ses études au conservatoire et c’est à Paris encore que vont s’établir le chimiste Brizé-Fardin, le médecin Nysten, le physicien Robertson, le mathématicien Christian. Paris impose à la Belgique dans tous les domaines le ton ou la méthode. L’art se met à l’école de David, la littérature à celle de Delille, la science, mieux partagée, à celle des maîtres qui illustrent l’Institut. Tous ceux qui n’ont ni les moyens ni les loisirs d’aller puiser à la source, s’efforcent au moins d’en détourner le ruissellement vers le pays. Dans les grandes villes se fondent des sociétés littéraires, des sociétés scientifiques, des sociétés artistiques, qui organisent des concours et des expositions de tableaux[2]. Mais,

  1. H. Delehaye, L’œuvre des Bollandistes, p. 181 (Bruxelles, 1920).
  2. La plus ancienne est la Société des Arts de Gand fondée en 1808, en même temps que la Société de Botanique et d’Horticulture qui organisa un « Salon de flore » dès 1809. Sur ce mouvement, voy. E. Mailly, Études sur la culture intel-