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DÉSAFFECTION DU CLERGÉ

passive à ses ordres. Il put compter sur l’une et sur l’autre. Tous acceptèrent de se conduire, dans leurs rapports avec lui, en « préfets ecclésiastiques » et de dresser leur clergé au service de l’État. Les curés eurent à chanter les innombrables Te Deum requis par les victoires et les événements du règne, à exposer au prône les beautés de la conscription et les bienfaits de la vaccine. Les grands vicaires s’empressaient de communiquer à l’examen du préfet le texte de leurs sermons. L’adulation était de règle. En 1804, le supérieur du séminaire de Malines exprimait au ministre de l’Intérieur la joie qu’il avait ressentie en apprenant l’élévation à l’Empire « du grand Bonaparte envoyé de Dieu comme un autre Cyrus pour rétablir la religion et la paix, tant dans l’ancienne France que dans les départements réunis »[1]. Et pour être exubérante dans son expression, cette joie n’en était sûrement pas moins sincère. Car si l’Église servait l’empereur, l’empereur la comblait de bienfaits très réels. Partout les séminaires et les petits séminaires s’organisaient, les fabriques d’église rentraient en possession de leurs biens non aliénés, le clergé, jusqu’au grade de sous-diacre, était exempté du service militaire.

Pourtant la lune de miel de l’État et de l’Église ne pouvait durer bien longtemps. Napoléon plus encore que Joseph II entendait soumettre celle-ci à celui-là et en faire un instrument de règne. Dans sa volonté d’en ajuster les institutions aux nécessités de la société moderne, il était peu à peu entraîné au delà du point de rupture. Au lieu de laisser la société ecclésiastique se développer et agir à côté et en dehors de la société civile, il avait résolu de l’y faire entrer de force et de l’y soumettre. Depuis 1806, ses exigences croissantes le précipitent fatalement à un conflit avec la papauté.

L’obligation imposée aux prêtres d’enseigner le catéchisme impérial commence à provoquer une fermentation dangereuse. En France, où le gallicanisme était courant, elle fut assez facilement acceptée ; en Belgique, elle raviva aussitôt les cendres encore chaudes de la querelle fébronienne. Des brochures

  1. Archives Nationales de Paris, F. 1, c. III. Deux-Nèthes, 5.