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LA FIN DU RÉGIME

commencent à circuler sous le manteau[1]. Çà et là, les curés cessent de chanter le Domine salvum fac imperatorem. Les séminaristes s’agitent et aussitôt les autorités et la police d’entrer en campagne. Les préfets organisent la traque aux catéchismes prohibés, les font saisir chez les imprimeurs et les libraires, ordonnent aux maires de signaler les incartades des prêtres, se font rendre compte des sermons et instruisent des moindres incidents de l’agitation cléricale le ministre de la police. De département en département, ils se signalent les prédicateurs ambulants et jusqu’aux marchands qui débitent des papiers à filigrane suspect[2]. Le plus grave, c’est que le conflit du pape et de l’empereur commence à se répercuter sur l’organisation de l’Église. En 1808, l’abbé de Praet, désigné comme successeur à Mgr. de Roquelaure à Malines, ayant reçu de Rome des bulles motu proprio, le gouvernement refuse de les lui remettre, si bien que, ne pouvant les exhiber en prenant possession de son siège, il y fait figure d’intrus.

Incessamment d’ailleurs, la querelle du sacerdoce et de l’empire avive et aggrave le mécontentement et l’inquiétude non seulement du clergé mais des fidèles. En 1809, coup sur coup, l’annexion de États du Pape (17 mai), l’excommunication tacite de Napoléon (10 juin), l’enlèvement de Pie VII (5 juillet) augmentent une indignation à laquelle le divorce de l’empereur, prononcé par le Sénat le 16 décembre, ajoute le scandale. On commence à se demander si le nouveau Cyrus n’est pas l’Anté-Christ. Pendant le voyage de 1810, ses fureurs contre les prêtres l’ont encore plus diminué à leurs yeux qu’elles ne les ont effrayés. Ils se sentent maintenant soutenus par l’opinion. Les béguines d’Anvers, dont le curé a été saluer Napoléon lors de son passage dans la ville, rompent tout rapport avec lui[3]. À Liège, le chanoine Barrelt

  1. Il en existe une collection considérable à la Bibliothèque de l’Université de Gand. L’une de celles que j’y ai vues porte cette note manuscrite : « Ontvangen door eene onbekende hand ».
  2. J’emprunte ces détails à la Correspondance du préfet de l’Ourthe aux Archives de l’État à Liège.
  3. Lanzac de Laborie, op. cit., t. II, p. 272.