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RUPTURE AVEC LE CLERGÉ

s’oppose énergiquement à reconnaître l’évêque nommé, Mgr. Lejeas, et plutôt que de céder se laisse exiler à Besançon[1]. Évidemment, contre le renouveau du joséphisme qui se manifeste plus brutal encore que jadis, l’opposition se reforme. Stevens publie de nouveaux pamphlets contre le « héros philosophe » qu’il qualifie de renégat et de sectateur de Mahomet. Les grands vicaires van de Velde et Duvivier dirigent la conduite de leurs évêques, à Gand, celle de Broglie, à Tournai, celle de Hirn. Nommés pour servir d’instruments à la politique napoléonienne, l’un et l’autre, gagnés par l’ultramontanisme de leurs ouailles[2], ont passé à l’opposition. En 1811, au concile national de Paris, ils résistent courageusement aux desseins de l’empereur. Seul parmi les prélats français, l’évêque de Troyes s’est rangé à leurs côtés.

On ne peut douter que le clergé belge ne se soit exprimé par leurs bouches, et c’est lui qui est châtié aussitôt en leurs personnes. Leur emprisonnement à Vincennes ne fait d’ailleurs que surexciter la résistance. Il est trop tard pour arrêter un mouvement que la persécution accélère. À Bruxelles, Mme d’Houdetot cherche vainement à amadouer l’opinion en se faisant recevoir prévote de la Sainte-Vierge dans l’église de N.-D. du Bon Secours[3]. La passion religieuse se déchaîne désormais contre l’empereur. Des curés cherchent visiblement à soulever les paysans. D’étranges récits commencent à circuler. À Meldert, une image de la Vierge s’est décollée du mur et est venue sonner les cloches. Ailleurs, on a remarqué sur les feuilles des avoines des signes miraculeux[4]. Cependant, les évêques envoyés à Tournai et à Gand pour prendre la place des confesseurs de la foi que le despote a jetés dans les fers, sont accueillis par une opposition obstinée.

  1. Daris, Histoire du diocèse et de la principauté de Liège, 1724-1852 t. IV, p. 232.
  2. En arrivant à Gand, de Broglie avait déclaré les Belges « plus ultramontains que les Italiens mêmes ». Voy. son autobiographie publiée par R. van den Gheyn dans les Annales de la Soc. Hist. de Gand, t. XVII [1923], p. 47.
  3. Galesloot, Chronique des événements les plus remarquables arrivés à Bruxelles de 1780 à 1827, t. II, p. 95. (Bruxelles, 1870-72).
  4. Archives Nationales de Paris. F. 1. c. III. Deux-Nèthes, 5.