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L’AFFAIRE WERBROECK

vivante, c’est le propre de la souveraineté de renfermer en soi tous les pouvoirs nécessaires pour assurer le bien, pour prévenir et réparer le mal »[1]. Ainsi l’Empire, au bord de l’abîme, en arrivait à formuler la doctrine du pur absolutisme et à emprunter le langage non plus de César, mais de Dioclétien. Le procès fut renvoyé devant la cour de Douai. Les événements ne lui laissèrent pas le temps de rendre un arrêt qui eût incontestablement été un service. Quant au vieux Werbroeck, il mourut en prison. Mais l’émotion soulevée par ses malheurs et son triomphe se perpétua dans le peuple. Il a conservé le souvenir de Werbroeck comme celui d’Anneessens, en les embellissant, et sur les scènes flamandes, on représente encore devant des auditoires attendris et indignés « De Maire van Antwerpen »[2].

III

En 1810, le préfet de la Dyle, La Tour du Pin, pouvait écrire au ministre de l’Intérieur : « Le pays marche dans la route que le gouvernement a tracée, mais il y marche et n’y court pas[3] ». En 1813, il n’était que trop évident que cette marche s’accélérait, mais à rebours. Dès avant même la débâcle de Leipzig, la désaffection était complète. On en avait assez d’un régime qui froissait chez les Belges le sentiment le plus invétéré : celui de la liberté personnelle. Se passer de vie politique, soit, mais se sentir continuellement épié par la police, voir sa maison exposée aux visites domiciliaires, n’avoir plus cet asile où l’on peut parler à cœur ouvert et dauber le pouvoir, c’en était plus qu’on ne pouvait supporter. Toutes les classes étaient également irritées : le clergé, par la persécution, les industriels, par la crise des affaires, la noblesse, par l’arbitraire, la compression administrative et l’institution des gardes d’honneur, le peuple,

  1. Lanzac de Laborie, op. cit., t. II, p. 299.
  2. La pièce est de Fr. Gittens.
  3. Lanzac de Laborie, op. cit., t. II, p. 58.