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LA NOUVELLE BARRIÈRE

général et en surveilla l’exécution. La double préoccupation de parer à une agression française et de garantir, en cas de guerre, les communications avec la Grande-Bretagne, décida du choix des places. Sur la côte, Ostende et Nieuport ; sur la ligne de l’Escaut, Anvers, Termonde, Gand, Audenarde et Tournai ; sur celle de la Meuse, Liège, Huy, Namur, Dinant ; le long de la frontière Ypres, Menin, Ath, Mons, Charleroi, Philippeville, Mariembourg, s’appuyant vers l’est aux formidables bastions de Luxembourg, constituèrent un système de défense qui dût paraître impénétrable dans sa surabondance.

La Belgique, qui avait été jusqu’alors le champ de bataille de l’Europe, en devenait le camp retranché. Mais la sollicitude que les Puissances manifestaient à son égard était naturellement intéressée. Les Pays-Bas, disait Gourieff, sont « la clef de l’Europe »[1]. Leur roi en était donc le portier, et de là à s’arroger le droit de surveiller sa conduite, il n’y avait qu’un pas. Il dut accepter une sorte de tutelle militaire. On lui fit sentir qu’il n’était pas seul maître chez lui et que, si ses alliés le protégeaient, ils entendaient aussi qu’il se conformât à leurs « conseils ». L’Angleterre, l’Autriche, la Russie et la Prusse s’engageaient à garantir l’existence du royaume, mais il fallait en revanche que Guillaume s’obligeât à en organiser la défense conformément à leurs vues. Le 15 novembre 1818, la « convention des forteresses » lui « recommandait » de faire occuper en cas de casus foederis, les forteresses d’Ostende, d’Ypres, de Nieuport et de l’Escaut par les troupes de Sa Majesté britannique, les autres, par les troupes de Sa Majesté prussienne.

Si désagréablement qu’il ressentît cette main-mise, Guillaume ne pouvait y échapper. Du moins voulut-il, en se plaçant sous l’égide de l’Angleterre, parer à ce qu’une immixtion collective dans ses affaires pouvait avoir de trop déplaisant. La reconnaissance eut sa part aussi dans une déférence qui

  1. Gedenkstukken 1830-1840, t. III, p. 401. Nesselrode considère que les forteresses des Pays-Bas sont « pour ainsi dire des forteresses européennes ». Ibid., p. 396.