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L’AMALGAME

qui eût sans doute déchaîné parmi eux les passions politiques et eussent livré l’État à la compétition des partis, on ne pouvait pas non plus leur imposer brutalement un roi contre lequel tous aussitôt eussent uni leurs rancunes. La prudence exigeait de prendre des mesures qui leur donnassent l’assurance que le souverain, placé au-dessus des peuples et des partis, ne gouvernerait qu’en vue du bien commun et, de même qu’il ne sacrifierait pas les Belges aux Hollandais, ne favoriserait pas les protestants au détriment des catholiques. On crut avoir résolu le problème en subordonnant la constitution du royaume aux principes inscrits dans les huit articles.

Un silence prudent fut gardé à leur sujet. Il eût été déplorable de les discréditer à l’avance en les livrant aux discussions du public. Il ne devait en être question que le jour où l’existence du royaume étant enfin proclamée à la face de l’Europe, le moment serait venu de régler l’exercice du gouvernement. Ce moment, on l’a vu, fut hâté par Napoléon. Dès le 16 mars, dans le manifeste même où il annonçait à ses sujets qu’il prenait la couronne, Guillaume déclarait que la « Loi fondamentale » de la Hollande allait subir « les modifications qui doivent la mettre en harmonie avec les intérêts et les vœux de tous »[1]. Le même jour, il affirmait d’ailleurs aux États-Généraux que ces modifications ne pouvaient « regarder les principes salutaires sur lesquels elle est basée et auxquels nos compatriotes mettent, à juste titre, un si haut prix »[2]. Les préoccupations du moment empêchèrent les Belges d’observer que parler ainsi c’était supposer un consentement qu’ils n’avaient pas donné. Mais l’attention était concentrée sur la France et l’imminence d’une nouvelle invasion.

On ne remarqua pas non plus que la nation n’avait pas été consultée sur le choix des membres de la commission chargée de la revision constitutionnelle (22 avril). Tous avaient été désignés par le roi, et comme elle comprenait autant de Belges que de Hollandais, on pouvait tenir pour assuré qu’elle

  1. Journal officiel du gouvernement de la Belgique, t. V, p. 3.
  2. De Gerlache, op. cit., t. I, p. 297.