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L’AMALGAME

III

L’attention du public était si absorbée par les événements de France, au printemps de 1815, que la commission chargée de reviser la loi fondamentale délibéra au milieu d’une indifférence complète[1]. Un mois après la bataille de Waterloo, le 18 juillet, on apprit que ses travaux étaient terminés, que le roi acceptait le projet, mais qu’il allait, avant de le sanctionner, le soumettre en Belgique à l’avis d’une assemblée de « notables ». C’est ainsi qu’il avait agi en Hollande en 1814, après la première rédaction de la Grondwet. En cela évidemment, il suivait l’exemple des plébiscites qui, en France, avaient accepté les constitutions du Consulat et de l’Empire. Mais au principe démocratique de ces plébiscites, il substituait le principe censitaire. Un petit groupe de notables serait censé représenter l’ensemble des citoyens ; il n’était plus question de s’appuyer sur la souveraineté nationale, et l’acquiescement de la bourgeoisie suffirait. Encore ses délégués devaient-ils être choisis, non par elle-même, mais par les « intendants » des départements, c’est-à-dire par les fonctionnaires du pouvoir qui demandait leur consentement. Toutes les précautions étaient prises pour que leur consultation ne fût qu’un simple simulacre. Pourtant le roi n’était pas sans éprouver quelques inquiétudes. Il se doutait bien que le principe constitutionnel de l’égalité de tous les cultes allait troubler la conscience des catholiques. Pour couper court aux protestations, il crut habile, en publiant le texte du « chef-d’œuvre » de la commission, d’y adjoindre celui des huit articles sur lequel il avait gardé jusqu’alors un silence si complet. Le 8 août, il faisait écrire au comte de Thiennes que les notables n’avaient pas à considérer, comme soumis à leur vote, les stipulations constitu-

  1. On publia naturellement quelques brochures. La plus intéressante est celle de C. de Keverberg, Réflexions sur la loi fondamentale qui se prépare pour le royaume des Pays-Bas (Clèves, 1815).