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AGITATION CONTRE LA LOI FONDAMENTALE

tionnelles relatives à la religion, puisqu’elles étaient la conséquence de son accord avec les Puissances[1].

Cette habileté était une maladresse. Elle découvrait aux Belges qu’on les plaçait devant un fait accompli et que la soi-disant approbation qu’on leur demandait n’était qu’une vaine formalité. Ils se résigneraient sans doute à l’inévitable. Mais pouvait-on attendre qu’ils s’y résigneraient sans crier ? Comment leur clergé qu’un Napoléon n’avait pu terroriser, se serait-il empressé de complaire à un Guillaume d’Orange ?

À peine la Loi fondamentale fut-elle connue, qu’une agitation formidable éclata. L’Église fit preuve d’une intransigeance et d’une âpreté d’autant plus grande, qu’elle se crut trompée, après avoir reçu et des alliés et de Guillaume lui-même tant de promesses rassurantes. Ce n’était pas seulement les droits égaux accordés à la « vérité » et à 1’ « erreur » qui l’exaspéraient. Elle ne pouvait supporter de voir la police des cultes exercée par un prince protestant, l’instruction tout entière placée entre ses mains, et enfin le divorce implicitement admis par la clause constitutionnelle qui laissait en vigueur toutes les lois existantes. Le 28 juillet, les évêques adressaient au roi des « représentations respectueuses » contre la violation du décret du 7 mars 1814, annonçant qu’elle compromettait la tranquillité publique et était un « sinistre augure pour l’avenir ». Le 2 août, le plus bouillant d’entre eux, Mgr. de Broglie, évêque de Gand, lançait une « instruction pastorale » déclarant que les catholiques ne pouvaient en conscience approuver la Loi fondamentale. L’évêque de Tournai l’imitait huit jours plus tard, et l’évêque de Namur allait faire de même quand la police saisit son mandement chez l’imprimeur.

Le mouvement était déclanché. Dans les campagnes, les curés se déchaînent et endoctrinent fougueusement les paysans. À Bruxelles, le comte de Robiano publie un manifeste récusant à l’avance le vote des notables vu qu’ils n’ont pas reçu mandat de la nation. Des placards menaçant de mort ceux qui accepteront la constitution, sont affichés sur les murs. À Courtrai,

  1. H. T. Colenbrander, Ontstaan der Grondwet, t. II, p. 577.