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REJET ET RATIFICATION DE LA LOI FONDAMENTALE

game, ce fut une amère désillusion. Ils avaient surtout compté sur la Flandre qui les abandonnait. Quelques jours avant le vote, dans une adresse aux États-Généraux, Guillaume avait exprimé l’espoir que tous les habitants du royaume « liés par les mêmes lois et les mêmes institutions, fussent comme les enfants de la même famille ». L’événement le détrompait cruellement. Il le plaçait dans une situation un peu ridicule, mais surtout fort embarrassante devant l’Europe qui l’observait. Que faire ? Accepter le verdict des notables et remettre une fois de plus sur le métier la Loi fondamentale, il n’y fallait pas songer. Les Hollandais, dont les États-Généraux venaient de l’approuver à l’unanimité, n’eussent évidemment pas consenti à abdiquer devant les Belges. La nécessité s’imposait donc de passer outre aux vœux de ceux-ci. On s’apercevait un peu tard de la faute qu’on avait commise en les consultant, puisqu’on était décidé à ne pas tenir compte de leur avis. Il était pourtant impossible, après s’être adressé à eux, de leur montrer qu’ils n’avaient rien à dire. On s’en tira par un subterfuge. On considéra comme acquis à la loi les 280 notables qui n’avaient pas voté. Des 796 votes négatifs, 126 ayant été motivés par des considérations religieuses en contradiction avec le texte des huit articles, ils furent déclarés nuls. Grâce à cette « arithmétique hollandaise »[1], la minorité se transformait en majorité ; huit cent-sept suffrages étaient censés favorables.

Le consentement des Belges ainsi escamoté, le roi proclama, le 24 août 1815, l’acceptation de la Loi fondamentale. Il ne parvint pas à cacher son ressentiment à l’égard des évêques. Son manifeste rappelait sévèrement leur devoir à « quelques hommes de qui le corps social devait attendre l’exemple de la charité et de la tolérance évangélique ». C’était une nouvelle maladresse que de rompre ainsi en visière avec l’opposition épiscopale au moment même où elle venait de

  1. Il faut constater d’ailleurs que dès le 10 août l’anticlérical belge Dotrenge, prévoyant le rejet de la constitution par les notables avait déjà suggéré de ne pas tenir compte des votes négatifs justifiés par les scrupules religieux. Ibid., p. 589.