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L’AMALGAME

prouver sa force, et d’affecter, après avoir été réduit à un assez piteux stratagème, les allures et le langage de Joseph II ou de Napoléon. Si étrange pourtant qu’elle apparaisse, la conduite du roi ne pouvait être autre qu’elle ne le fut. Il était prisonnier de ses engagements envers l’Europe. Coûte que coûte, il devait accomplir « l’amalgame » des deux parties de son royaume. Son erreur fut de se tromper sur les dispositions des Belges. Il eût dû procéder franchement, leur déclarer qu’il n’était pas plus libre qu’eux-mêmes d’adapter la constitution à leurs désirs et leur imposer dès l’abord cette Loi fondamentale à laquelle il fut bien obligé de les contraindre après qu’ils l’eurent rejetée. La nation était tellement convaincue que son sort était fixé d’avance, qu’elle n’eût pas protesté. Elle ne s’agita que parce qu’en la consultant, on lui donna l’occasion de manifester ses sentiments. Au fond, elle s’attendait à ce qui arriva. Elle se soumit à la décision royale qu’elle savait inévitable de par la volonté des Puissances.

IV

Au moment où il prit le titre de roi des Pays-Bas, Guillaume-Frédéric, né à La Haye le 24 août 1772, était âgé de quarante-trois ans. Il était le fils aîné du Stadhouder Guillaume V et de la princesse Frédérique de Prusse. Lui-même avait épousé, le 1er  octobre 1791, une autre Prussienne, fille de son oncle le roi Frédéric-Guillaume II, et qui portait aussi le nom de Frédérique.

Comme presque tous les princes de sa génération, il avait été longtemps ballotté par les remous de la Révolution française. Après l’éphémère expédition de Dumouriez dans les Provinces-Unies, il avait coopéré avec les alliés aux opérations contre la France. Ses campagnes n’avaient guère été marquées que par des revers. Battu par Houchard à Menin en 1793, il avait dû ensuite lever précipitamment le siège de Maubeuge, et si, en 1794, il collaborait à la prise de Landrecies, il était entraîné, quelques mois plus tard, dans la débâcle de Fleurus. L’invasion de Pichegru en Hollande et la proclamation de la Répu-