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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/305

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LE ROI ET LES LIBÉRAUX

menace permanente pour la sécurité des Pays-Bas. Sa politique interne et sa politique extérieure lui commandaient également de combattre une faction si dangereuse. Son anticléricalisme, pur de toute arrière-pensée confessionnelle, se justifiait à ses yeux par raison d’État. Il n’était que de tenir la dragée haute aux « apostoliques ». La manière forte à leur égard était la seule bonne. Joseph II et Napoléon lui avaient montré la voie à suivre. L’essentiel pour réussir était de ne pas se brouiller avec les libéraux. Mais leur concours ne lui était-il pas garanti ? Comment eussent-ils hésité à collaborer avec lui contre des gens qui rejetaient leurs principes avec horreur, les abreuvaient d’outrages et osaient railler leurs doctrines « qu’on a nommées libérales comme les Grecs appelaient les furies euménides » ?[1]

Si l’on jette un coup d’œil sur la situation politique telle qu’elle se dégage immédiatement après 1815, elle apparaît donc sous un aspect assez simple. Pour le roi, la tâche essentielle est de constituer l’ « amalgame » des deux parties du royaume. Il le doit, de par le mandat qu’il a reçu de l’Europe, et il le veut, de par son intérêt de souverain. Pour accomplir cette œuvre difficile, il ne compte que sur son pouvoir personnel, appuyé par les Hollandais et par les libéraux de Belgique. Un obstacle se dresse devant lui : la résistance catholique qui se confond à ses yeux avec le péril français. Le bien de l’État exige qu’elle soit abattue. Sa cohésion politique, sa prospérité et sa sécurité sont à ce prix.


II

Le « jugement doctrinal » publié par les évêques après la promulgation de la Loi fondamentale avait suscité au sein du clergé une agitation factieuse puisqu’elle s’en prenait à la constitution même de l’État. Elle apparaissait d’autant plus intolérable que son instigateur, Mgr. de Broglie, ne cachait

  1. F. van der Haeghen, Bibliographie gantoise, t. V, p. 322.