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L’INSTALLATION DU RÉGIME

du Royaume[1]. En même temps, une propagande entretenue dans l’armée par les plus hautes autorités militaires s’efforça de faire entrer les officiers dans la maçonnerie[2]. Ainsi le gouvernement aurait la haute main sur les centres les plus actifs de l’opinion libérale qu’il s’obstinait à confondre, au moins en Belgique, avec l’opinion monarchique. Évidemment, le roi travaillait à se constituer un parti. Il ne s’avisait pas qu’en s’alliant aux libéraux et aux francs-maçons il approfondissait le fossé qui le séparait des catholiques.

S’en fût-il avisé d’ailleurs, il ne s’en fût pas inquiété. Il savait bien que dans les provinces du Sud, ils étaient beaucoup plus nombreux que leurs adversaires, que seuls, grâce au clergé, ils atteignaient et influençaient l’opinion du peuple, que, dans les régions flamandes surtout, leur situation était d’autant plus forte que la foi était plus vive ; mais qu’avait-il à en redouter ?

Il est certain qu’ils ne pouvaient songer et qu’ils ne songeaient pas à une révolte. Agir sur les États-Généraux leur était plus impossible encore, puisque le gouvernement disposait à sa guise des élections et qu’au surplus, assuré du vote des Hollandais et des libéraux belges, il ne craignait aucune opposition. Il suffirait donc au roi de parler haut et au besoin d’agir ferme pour rappeler à l’ordre et maintenir dans le devoir les « fanatiques » ou les mauvais citoyens qui boudaient l’État. De très bonne foi, il était convaincu qu’ils constituaient un péril pour le royaume et que son devoir était de les mater. Ne protestaient-ils pas contre la Loi fondamentale ? Ne les voyait-on pas applaudir publiquement aux mesures par lesquelles la « Chambre introuvable » cherchait en France à restaurer le règne de l’Église au profit de l’Ancien Régime ? L’influence française, qui lui apparaissait si bienfaisante chez les libéraux, lui apparaissait chez les catholiques comme une

  1. Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 249. Cf. Colenbrander, Gedenkschriften van A. R. Falck, p. 195, 402, 403.
  2. R. Starklof, Das Leben des Herzogs Bernhard von Sachsen-Weimar Eisenach, t. I, p. 238 (Gotha, 1865) ; H. von Gagern, Das Leben des Generals Friedrich von Gagern, t. I, p. 569 (Leipzig, 1856).