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L’INSTALLATION DU RÉGIME

belges et que s’il le pouvait, il interviendrait en leur faveur[1]. On ne peut s’étonner que leur sympathie réponde à la sienne. Et il est plus naturel encore de voir le clergé belge, s’abandonnant à l’influence française, lui ouvrir ses séminaires et ses collèges. Il ressent maintenant avec plus d’acrimonie les restrictions qui entravent sa liberté. Il s’indigne de ne pouvoir correspondre librement avec Rome, de voir les autorités épier les jésuites et les « Ignorantins » qui franchissent la frontière, et le gouvernement, en 1823, dissoudre, comme dangereuse pour la sécurité publique, la société catholique qui s’est fondée à Bruxelles en vue de propager la littérature religieuse. Aussi, tous les jeunes gens dont les familles sont assez aisées pour leur permettre d’étudier en France, vont-ils s’y initier aux bons principes. Quantité d’entre eux fréquentent les établissements que les jésuites possèdent à Paris et le célèbre collège qu’ils ont fondé à Saint-Acheul près d’Amiens. L’action de cette grande école rayonne au loin sur la Belgique. En 1825, Schrant gémit des ravages qu’elle y fait en y répandant « l’esprit jésuitique » et parallèlement avec lui, l’esprit français. Au collège d’Alost, le jour de la distribution des prix, les élèves ont représenté une pièce de circonstance relative au meurtre du duc de Berry, et la cérémonie s’est terminée au cri de « Vive le roi de France ! »[2].

Sans doute, la situation n’est point partout aussi affligeante. Dans le Luxembourg, le clergé, grâce au voisinage de Trêves et à ses rapports avec l’Allemagne, professe des principes moins subversifs. L’influence catholique est combattue dans le pays de Liège, à Bruxelles, à Gand et dans les villes des régions wallonnes, par celle des libéraux. Mais les catholiques des Flandres, chez qui se conserve l’esprit du prince de Broglie, s’abandonnent si fougueusement aux tendances du « fanatisme » français, qu’ils menacent de pervertir l’opinion publique et de compromettre la sûreté de l’État.

Sous la forme nouvelle qu’elle avait prise, l’action catholique

  1. Terlinden, op. cit., t. I, p. 412.
  2. Gedenkstukken 1815-1825, t. III, p. 264.