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MÉCONTENTEMENT DU CLERGÉ

la scandaliser. Mais du moins accepte-t-elle désormais la constitution de l’État, et son mécontentement se confine-t-il dans les bornes de la légalité. On ne voit pas qu’elle se soit associée aux protestations des évêques contre l’institution des universités ni qu’elle ait fait campagne contre la réforme de l’enseignement. En somme, elle n’attache pas grande importance aux mesures encore bien timides prises par l’État dans le domaine de l’instruction. Elles suscitèrent même de la part des catholiques une concurrence qui eut pour résultat de multiplier les écoles libres à côté des écoles officielles. Pour la première fois depuis la fin du XVIe siècle, on vit l’Église s’intéresser à la culture du peuple, parce qu’elle dut la disputer au pouvoir civil. Quant à l’enseignement de la bourgeoisie, la fondation des athénées, exclusivement fréquentés par les enfants des familles libérales, ne porta pas d’atteinte bien sensible à la prospérité des collèges religieux qui restaient soumis à la direction du clergé et empreints de son esprit.

Mais cet esprit commence à inquiéter le gouvernement parce que, de plus en plus, il s’oriente vers la France. Le renouveau du catholicisme qui se manifeste dans ce pays à partir du ministère de Villèle (1821) et que, depuis l’avènement de Charles X (29 mai 1825), le pouvoir favorise de toutes ses forces, a exercé immédiatement sa répercussion sur la Belgique. Tandis que les libéraux se déchaînent contre lui, le clergé en suit les péripéties avec une attention passionnée. Quel contraste entre la défiance et la froideur que le roi des Pays-Bas lui témoigne et la protection dont l’entoure le roi de France ! D’un œil d’envie, il voit au sud de la frontière les congrégations se rétablir, les jésuites rouvrir leurs collèges, l’enseignement confessionnel se répandre et se développer, et l’État, au lieu de s’opposer à l’Église, l’aider dans sa mission et se conformer à ses principes.

Cette France d’où si longtemps se sont propagés l’impiété et le scepticisme, est redevenue la grande nation catholique et le champion de la vraie foi. Comment se soustraire à son exemple et ne pas chercher à l’imiter ? On sait d’ailleurs que Charles X s’intéresse à la triste situation des catholiques