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LE COLLÈGE PHILOSOPHIQUE

dont le clergé allemand faisait preuve vis-à-vis des princes, c’est qu’une fois de plus sa confiance en lui-même le persuada qu’il lui suffisait de vouloir pour être obéi. Il n’avait d’ailleurs, à son habitude, consulté que des approbateurs : un van Gobbelschroy, joséphiste attardé, un Schrant, esprit pieux mais obsédé par la crainte des jésuites, un Warnkoenig, savant adepte des principes du droit public allemand. À l’envisager de haut, la crise ouverte en Belgique par les édits du 14 juin, mettait aux prises, en réalité, non seulement deux doctrines, mais deux influences : l’influence allemande du côté du roi et, du côté du clergé, l’influence française.

Le 23 juillet, Mgr. de Méan écrivait au roi que sa conscience ne lui permettait pas d’approuver le Collège philosophique, et le 12 août il lui témoignait « son plus vif regret » de ne pouvoir accepter le poste de curateur de cet établissement[1]. Le concours sur lequel Guillaume avait compté lui échappait donc. Mais il était trop tard pour reculer et le 17 octobre le Collège philosophique, établi à Louvain dans le même bâtiment qui avait jadis abrité le séminaire de Joseph II, ouvrait ses portes. Il avait été aménagé pour 1200 étudiants ; il n’en compta que 167 et ce nombre devait aller sans cesse en décroissant.

Guillaume n’était pas homme à capituler devant l’opinion. La mauvaise volonté à laquelle il se heurtait ne fit qu’accentuer son obstination. En créant le Collège philosophique, il s’était inspiré de Joseph II. Son absolutisme froissé lui dicta bientôt une mesure qui semble empruntée à Philippe II. Son arrêté du 14 août 1825 enlevant aux Belges qui avaient étudié hors du royaume, le droit d’entrer aux universités et celui d’être nommés à des fonctions publiques, rappelle étrangement la défense faite par le roi d’Espagne, aux jeunes gens des Pays-Bas, en 1570, de fréquenter les écoles de l’étranger[2]. La même mesure à laquelle Philippe avait recours pour garantir ses sujets de l’influence calviniste, Guillaume l’emploie pour les

  1. Terlinden, op. cit., t. I, p. 383 et suiv.
  2. Histoire de Belgique, t. IV, 2e édit., p. 18.