Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
L’INSTALLATION DU RÉGIME

arracher à l’ultramontanisme français. Car c’est la France qu’il vise, comme Philippe visait Genève. Et dans sa conviction d’avoir raison, le roi libéral impose à ses sujets le même despotisme que le roi catholique.

Au surplus, il se sentait de force à braver le mécontentement des catholiques. La bourgeoisie répugnait évidemment à rompre en visière avec un gouvernement dont la politique économique lui était si bienfaisante. Si plusieurs députés belges avaient défendu aux États-Généraux la liberté de l’enseignement, les budgets n’en avaient pas moins été votés à une majorité considérable. Quant au clergé, il se lamentait plutôt qu’il ne protestait. Méan manquait totalement de l’énergie d’un Franckenberg ou d’un de Broglie. Son grand âge et sa respectueuse déférence pour la couronne enlevaient toute valeur à ses remontrances parce que l’on savait qu’elles ne seraient suivies d’aucun effet.

La désorganisation de l’épiscopat était pour l’Église belge une autre cause de faiblesse. Il n’y avait plus d’évêque à Liège depuis 1808, à Tournai, depuis 1819, à Gand, depuis 1821, et Mgr. Pisany de la Gaude, qui occupait le siège de Namur, mourait le 28 février 1826. Rome enfin se montrait manifestement défavorable au déchaînement d’une lutte religieuse. Sans doute, le pape condamnait la nouvelle organisation de l’enseignement et le Collège philosophique. Il envoyait à Méan des brefs de félicitations et d’encouragement, mais il évitait avec soin d’exciter au sein du clergé la résistance violente qu’un mot de lui eût suffi à déchaîner. Son désir d’amener le roi à un arrangement qui eût réglé le statut de l’Église dans le royaume et rattaché au Saint-Siège les catholiques de Hollande, explique suffisamment cette prudence sur laquelle d’ailleurs le roi savait bien qu’il pouvait compter.

Certain de venir à bout d’une opposition que tout conspirait à paralyser, Guillaume la traitait de haut, avec une assurance dédaigneuse et brutale. Il enjoignait aux gouverneurs des provinces de fermer les petits séminaires, fût-ce par la force. Il faisait exercer sur la correspondance de Mgr. de Méan avec Rome « une surveillance d’une rigidité qui surpasse toute