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ORIENTATION NOUVELLE DU LIBÉRALISME

vât, attachés à sa politique. Leur alliance avec lui ne s’expliquait que par des motifs d’opportunisme. Ils s’y tenaient parce que la question cléricale l’emportait à leurs yeux sur toutes les autres. Leur horreur des jésuites les eût jetés dans les bras de tout gouvernement décidé à leur tenir tête.

Mais aux abords de 1828, cet anticléricalisme dans lequel s’étaient absorbés les libéraux de leur génération, commençait à céder le pas à des préoccupations d’un autre ordre. Aux jeunes gens qui n’avaient pas connu l’Ancien Régime et qui entraient alors dans la carrière, l’Église n’apparaissait plus l’adversaire irréductible de la société nouvelle. Peu croyants, par suite de l’instruction qu’ils avaient reçue dans les lycées et dans les athénées, ils restaient sans doute défiants à son égard mais ils ne l’étaient pas moins à l’égard de l’État qui, sous prétexte de défendre contre elle les libertés modernes, les confisquait en réalité à son profit. Le napoléonisme de leurs aînés ne leur suffisait plus. Le despotisme politique leur était aussi odieux que le fanatisme confessionnel. Formés par la lecture de ces journaux de réfugiés que Guillaume avait laissés complaisamment en Belgique déverser l’opprobre non seulement sur les cléricaux mais sur les Bourbons, ils avaient perdu insensiblement le respect de la monarchie absolue. Leur jeunesse s’intéressait passionnément à la lutte retentissante que, depuis le ministère de Villèle, les libéraux français soutenaient contre les « ultras » et la royauté de droit divin. Ils s’enthousiasmaient aux discours de Royer Collard. Les écrits politiques de Benjamin Constant les initiaient à la théorie du gouvernement constitutionnel et parlementaire, dont l’arrivée au pouvoir du ministère Martignac à Paris (5 janvier 1828) semblait annoncer le triomphe.

Quel contraste entre les États-Généraux et le parlement français ! Ici, des partis luttant pour imposer leur programme à la couronne et disposant par leurs votes du sort de ministres responsables devant les Chambres, c’est-à-dire devant la nation. Là, les députés régentés de haut par les ministres qu’il plaisait au roi de leur imposer et réduits au rôle de solliciteurs. Comment