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CHAPITRE PREMIER

JEMAPPES

I

Depuis Philippe-Auguste, les rois de France n’avaient cessé de tendre avec autant d’énergie que de patience à la domination de la Belgique. À travers les siècles elle était restée l’objectif principal de leur politique extérieure. Elle leur était également indispensable, soit qu’ils songeassent à la défense de leur royaume, dont elle constitue vers le nord le prolongement naturel, soit qu’ils eussent en vue d’imposer leur hégémonie à l’Europe en menaçant à la fois, par elle, l’Angleterre et l’Allemagne. Mais à toutes les époques aussi, l’Europe s’était acharnée à leur en disputer la possession. C’est à coup de guerres européennes que la monarchie avait lentement progressé dans les Pays-Bas, et l’annexion d’Arras, de Lille, de Douai, de Valenciennes avait été le résultat de luttes formidables et de congrès internationaux. Après avoir un instant touché au but, Louis XIV avait dû céder à la coalition de ses adversaires. Le traité d’Utrecht lui avait imposé enfin une limite que le traité de la Barrière avait aussitôt transformée en un rempart contre la France. L’œuvre séculaire de la monarchie restait inachevée : ni la côte de Flandre, ni la ligne de la Meuse n’étaient tombées en son pouvoir.