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UNION DES CATHOLIQUES ET DES LIBÉRAUX

jusqu’alors d’opposer à la politique du gouvernement un front unique. Leurs dissentiments avaient fait leur faiblesse ou, pour mieux dire, avaient sacrifié la nation à leurs intérêts de parti. Il n’était que de s’entendre pour transformer leurs oppositions contradictoires en une opposition nationale. Puisque la divergence de leurs principes avait momentanément fait place à leur accord, il s’imposait donc de profiter de cette trêve pour le bien de la patrie. Unis, ils seraient invincibles. Plus ardents, plus révolutionnaires, plus hardis, les libéraux formeraient l’avant-garde. Derrière eux s’avanceraient les masses compactes du peuple que le clergé mettrait en branle. Car ce n’est pas sur elle seule que la bourgeoisie comptait pour amener le gouvernement à capituler. Elle n’entendait pas confiner la lutte dans le « pays légal ». La nation tout entière devait y prendre part. Froissée dans ses sentiments religieux, vexée par les impôts de l’abatage et de la mouture, il suffirait de se mettre à sa tête pour qu’elle marchât, et son élan serait irrésistible.

Ainsi, du mouvement des idées qui par des voies diverses avait amené au même point catholiques et libéraux, résulta non seulement l’union des partis, mais, par une conséquence nécessaire, l’union nationale. Dès 1817, van Meenen en avait prévu la naissance. Elle n’avait été retardée que par l’opposition du clergé aux libertés modernes. Du jour où il les acceptait, elle ne devenait pas seulement possible : elle était fatale.


II

La naissance d’une opposition nationale en Belgique était incompatible avec l’existence du royaume des Pays-Bas. Elle déjouait les précautions prises par les Puissances en 1815 pour assurer l’amalgame de l’État. Il était dans la logique des événements que tôt ou tard elle aboutît à une scission. Rien cependant ne permet de croire que l’on ait entrevu dès 1828 les conséquences qu’elle devait entraîner, ni surtout que personne ait souhaité qu’elles se produisissent.