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CHAPITRE PREMIER

LA SÉPARATION

I

L’agitation politique provoquée en 1828 par l’union des catholiques et des libéraux devait prendre tôt ou tard un caractère révolutionnaire. Elle le prit très tôt. Dès les premiers mois de 1830 on ne peut plus se faire d’illusions sur ses tendances. De simple opposition constitutionnelle qu’elle était au début, le sentiment populaire et le sentiment national qu’elle a déchaînés l’ont bientôt poussée à une lutte de front contre le gouvernement. Pourtant les griefs qu’elle invoquait à l’origine avec tant d’âpreté n’existent plus. Il n’y a plus de Collège philosophique, plus d’arrêté de 1815, plus d’abatage et de mouture ; le Concordat est maintenant appliqué, et le 4 juin le roi retirera même les mesures linguistiques imposées en 1819. Ces concessions, qui auraient dû mettre fin au mouvement, n’ont fait qu’en augmenter la violence, car, si elles lui ont enlevé ses prétextes, elles n’en ont pas atteint la cause profonde. Il apparaît désormais que cette cause gît dans l’existence même du royaume. Ce qui arrive, c’est ce que de bons juges avaient prédit dès 1815 : la dissolution de l’ « amalgame » prématuré de deux nations trop différentes l’une de l’autre.

Avec des ménagements, de la souplesse et de la prudence,