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PREMIÈRES OPÉRATIONS MILITAIRES

ce faisant, ils suivent, sans qu’ils s’en doutent, la direction de l’histoire. Cette séparation artificielle que la politique a maintenue si longtemps, au mépris de leurs intérêts et de leurs traditions, entre les populations de la Belgique et du pays de Liège, ils la suppriment. Des deux peuples si bizarrement enchevêtrés l’un dans l’autre et qui ne peuvent se passer l’un de l’autre, ils ne font plus qu’un seul peuple. La Belgique qu’ils se croient appelés à fonder sur la démocratie, c’est déjà la Belgique moderne, telle qu’elle sortira de la révolution de 1830.

Le Comité des Belges et Liégeois unis ne pouvait avoir d’ailleurs et n’eut en effet que l’importance d’un groupe d’agitateurs et de recruteurs militaires. Son ardeur servait trop bien la politique française pour qu’elle ne lui permît pas de s’abandonner à ses illusions. Soigneusement tenu à l’écart des desseins du gouvernement, il collabora sans le savoir à préparer un avenir bien différent de celui qu’il espérait.

Les opérations militaires sur la frontière belge avaient immédiatement suivi la déclaration de guerre à François II[1]. Les Autrichiens étaient prêts à recevoir le choc. Si leur armée des Pays-Bas ne comptait que 30,000 hommes, c’étaient des troupes d’élite commandées par des chefs excellents : Bender, Clerfayt et Beaulieu. Les Français avaient la supériorité du nombre, mais on savait qu’ils étaient travaillés par l’indiscipline, qu’ils se méfiaient de leurs officiers et que les volontaires étaient incapables de tenir en rase campagne contre de vieux régiments. Les premières rencontres ne justifièrent que trop bien ces prévisions. Le 29 avril 1792, Dillon marchant de Lille sur Tournai, voyait ses soldats pris de panique s’enfuir éperduement, pendant qu’une même débandade dispersait ceux

  1. Je me borne à renvoyer le lecteur à l’excellent ouvrage d’A. Chuquet, Jemappes et la conquête de la Belgique (Paris, 1890), auquel on pourra ajouter les études plus spécialement militaires de C. de La Jonquière, La bataille de Jemappes (Paris, 1902), et de de Sérignan, La première invasion de la Belgique (Paris, 1903). Le livre d’E. Cruyplants, Dumouriez dans les ci-devant Pays-Bas autrichiens (Bruxelles, 1912), donne des détails intéressants sur la participation des volontaires belges et liégeois aux opérations. Du côté autrichien, voy. H. R. von Zeissberg, Zwei Jahre belgischer Geschichte, 1791-1792.