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JEMAPPES

de Biron autour de Quiévrain. La Fayette qui de Givet avait avancé ses avant-postes jusque Bouvignes, devait rétrograder par suite de ce double échec de ses camarades. Dans la nuit, les Bruxellois, réveillés par le bourdon de Sainte-Gudule, apprenaient ces nouvelles. Le lendemain ils voyaient avec étonnement passer par les rues les canons conquis sur l’ennemi et défiler un lamentable cortège de prisonniers.

Luckner, substitué à Rochambeau comme généralissime des forces françaises, n’améliora pas la situation. Au mois de juin, son avant-garde entrait à Menin, puis à Courtrai. Mais dès le 29, elle était obligée de se réfugier sous le canon de Valenciennes.

L’intérêt de la lutte venait d’ailleurs de se déplacer du Nord dans l’Argonne. Le 14 juillet, la Prusse avait déclaré la guerre à la France et, le 19 août, le duc de Brunswick franchissait la frontière. Pour appuyer son mouvement, Clerfayt lui amenait 12,000 hommes de l’armée des Pays-Bas. La défaite de la France paraissait certaine. L’insurrection de la commune de Paris, la suspension du roi, la fermeture des couvents, le bannissement des prêtres insermentés, le massacre des prisonniers, la défection de La Fayette semblaient annoncer l’agonie de la Révolution. L’échec des Prussiens à Valmy (20 septembre) puis leur retraite renversèrent d’un seul coup la situation. Le duc de Saxe-Teschen, qui venait de mettre le siège devant Lille (29 septembre), s’empressa de décamper au bruit que Dumouriez, le vainqueur des invincibles Prussiens, se hâtait vers le Nord.

Dumouriez était décidé à fonder décidément son prestige par une campagne courte et glorieuse. Ambitieux et intrigant, il rêvait de dominer la France en s’acquérant par la conquête de la Belgique un ascendant militaire irrésistible. Il allait se montrer aux Belges en libérateur et il comptait sur une insurrection de leur part. Il les connaissait depuis longtemps, ayant jadis, durant la révolution brabançonne, été chargé de missions politiques parmi eux. S’il entendait les conquérir, il n’entendait pas les annexer. Son plan était de les constituer en en une république dont il eût été l’arbitre, sur laquelle il eût