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LA SÉPARATION

elle prend tout simplement la place qu’il lui abandonne ou pour mieux dire qu’il lui offre.

Car, épouvantés eux-mêmes par les événements, magistrats civils et chefs militaires s’empressent de se décharger sur elle de leurs responsabilités. Le dépôt d’armes de la Schutterij est mis à sa disposition. Une proclamation annonce que la garde bourgeoise est constituée à « l’invitation de l’administration et des citoyens ». Les troupes resteront consignées autour du palais. Ainsi, dans la ville abandonnée par l’autorité officielle, il n’existe plus d’autre pouvoir que le quartier-général de d’Hoogvorst.

Avec autant d’énergie que d’habileté, il se met à l’œuvre. De toutes parts les volontaires affluent. Au bout de deux jours on en compte de 8 à 10,000, armés à la diable, ne disposant que de 3000 fusils, et reconnaissables seulement au numéro de leur section qu’ils portent au chapeau. Aucun caractère de classe dans cette troupe improvisée. Les nobles, les rentiers, les industriels en redingote y coudoient les boutiquiers et les petits bourgeois et jusqu’à des ouvriers en blouse. D’anciens officiers exercent le commandement, disposent les postes, organisent les patrouilles. La bonne volonté est générale et il n’en faut pas davantage pour venir à bout d’une émeute qui, suscitée par les circonstances, ne s’est aggravée que par l’impunité, et qui suit sans conviction les meneurs étrangers qui l’excitent et les pillards qui l’exploitent.

Pour en détacher les ouvriers et les sans-travail, des cartes de pain sont promises à ceux qui rentreront chez eux. L’impôt de la mouture que, par une imprudence inconcevable, la municipalité a laissé en vigueur comme taxe communale, est supprimé. On menace de priver des secours du bureau de bienfaisance tous ceux qui auront fait partie d’un attroupement et les rassemblements de plus de cinq personnes sont interdits. Pour la plupart, les ouvriers se laissent désarmer sans résistance. Quelques coups de fusil dispersent les groupes les plus acharnés. Dès le 28, tout est rentré dans l’ordre. Les pillages ont cessé et l’on n’entend plus crier Vive la France. À l’hôtel de ville flotte le drapeau brabançon et aussitôt la ville se