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BRUXELLES AU POUVOIR DE LA BOURGEOISIE

pavoise de ses couleurs ; la garde bourgeoise les adopte pour ses étendards, ses chefs les portent en écharpe, d’innombrables cocardes les répandent parmi la population. De l’agitation superficielle provoquée par les émissaires des clubs parisiens, nulle trace ne subsiste. Le procureur du roi Schuermans constate son échec[1]. « Si les révolutionnaires français, écrit un témoin oculaire, le ministre autrichien Mier, ont souhaité connaître l’opinion du pays, ils savent aujourd’hui avec certitude qu’il ne veut pas d’annexion »[2].

Incontestablement, la garde bourgeoise n’obéit pas seulement à l’esprit d’ordre. Il s’allie chez elle à l’esprit national. Sa tâche serait finie si elle n’avait eu pour dessein que de rétablir la tranquillité. Maintenant que la rue est paisible, pourquoi ne confie-elle pas aux troupes la mission sans péril de la suppléer ? Bien plus ! pourquoi ne les a-t-elle pas appelées à la rescousse ? Or, non seulement elle ne leur cède pas la place, mais au lieu de se dissoudre, elle se renforce et atteste visiblement sa volonté de conserver le pouvoir dont elle s’est emparée. Elle est décidée à ne pas laisser les Hollandais se réinstaller dans cette ville qu’ils lui ont abandonnée. Son attitude est si résolue qu’elle en impose aux généraux réfugiés dans le palais royal. Prudemment, ils décommandent les renforts qui arrivent d’Anvers et de Gand. Ils se sentent en face d’une volonté d’autant plus impressionnante qu’elle est unanime. Pas une voix ne s’élève en faveur du gouvernement, pas une défection n’est signalée, pas un drapeau orange ne se montre. Si les troupes font un mouvement, nul doute que ce qui s’est passé à Paris ne se reproduise à Bruxelles. « Les Belges, dit Schuermans avec l’emphase de la terreur, sont courageux comme des lions quand on les excite, et ils n’hésiteront pas à tirer sur les soldats »[3]. Aussi, pour la seconde fois, l’autorité capitule. Le général de Bylant promet aux « chefs

  1. Quelques Français, dit-il, qui parlaient en faveur de la France : « vonden geen bijval ». Gedenkstukken 1830-1840, t. IV, p. 55. Plus tard, il constate que tous les journaux sont hostiles à l’annexion. Ibid., p. 99.
  2. Gedenkstukken 1830-1840, t. III, p. 143.
  3. Ibid., t. IV, p. 99.