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PROPAGATION DE L’INSURRECTION

jusque dans l’Allemagne rhénane. Le 31 août, à Cologne, des proclamations excitent le peuple à se soulever à l’exemple des « braves Belges ». À Aix-la-Chapelle, le 1er septembre, des émeutes ouvrières éclatent provoquées par les troubles qui agitent Verviers[1].

En province comme à Bruxelles, les pouvoirs officiels épouvantés passent la main à la bourgeoisie. Les troupes n’osent faire usage de leurs armes et restent consignées dans les casernes. Des « Commissions de sûreté » s’installent dans les hôtels de ville que les Régences leur abandonnent. Dès le 27 août, celle de Liège, avec l’assentiment du gouverneur, est entrée en fonctions. Et, comme il arrive habituellement, cette abdication du pouvoir calme l’effervescence. Le peuple adopte les hommes nouveaux qui sont arrivés grâce à lui et leur fait confiance. Il s’abandonne à l’impression de s’être affranchi, de n’obéir plus qu’à lui-même, d’avoir recouvré son autonomie. Les couleurs françaises qui se sont montrées aux premiers jours disparaissent. À Liège, on arbore les couleurs liégeoises, à Verviers, les couleurs franchimontoises, comme Bruxelles a arboré les couleurs brabançonnes. Et la diversité de ces emblèmes montre bien ce que cette première explosion du sentiment national a d’improvisé. Chacun agit pour soi. Il n’y a encore entre les efforts décousus d’autre lien que la communauté des aspirations. La révolution belge a pour prologue une série d’insurrections locales.

Cependant, les Commissions de sûreté se mettent à l’œuvre. Elles organisent des gardes bourgeoises dont la consigne est de calmer le peuple en se le conciliant, et qui appellent à elles, sans distinction de classes, tous les hommes de bonne volonté. Leur uniforme, une blouse bleue et un bonnet de police, atteste leur caractère populaire. Elles n’ont qu’à se montrer pour mettre fin aux troubles et déconcerter ceux qui ne s’y sont jetés que par amour du pillage. Quelques mesures habiles achèvent de rétablir l’ordre. À Liège, en faveur des ouvriers

  1. Sur cette agitation, voir Gedenkstukken 1830-1840, t. III, p. 4, t. IV, p. 68, 81, 88, 108. Lejear, Verviers, loc. cit., p. 208-215.