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LA SÉPARATION

le prix du pain est diminué. Bref, le 7 septembre, la vague qui s’est un moment soulevée est retombée sur elle-même. Mais le choc qu’elle a produit a suffi pour faire glisser le pouvoir des mains de ses représentants officiels dans celles de la bourgeoisie.

En Flandre, le mécontentement du peuple, aussi vif que dans les régions wallonnes, s’est heurté dès l’abord à une résistance plus ferme. Aussitôt après les journées de Bruxelles, la fermentation qui s’est emparée de Gand, de Bruges et de Courtrai a été efficacement combattue. Les autorités n’ont pas abandonné le terrain. Le gouverneur de la Flandre Orientale, plus énergique que ses collègues de Bruxelles et de Liège, ne s’est pas laissé déborder par les événements. Les Régences, au lieu de céder, demeurent en place. La Schutterij se rassemble ; les bourgmestres font leur devoir[1]. Les libéraux qui ont conservé ici, beaucoup plus qu’à Bruxelles ou dans le pays de Liège, leurs vieux principes anticléricaux, n’ont aucun motif de ménager une agitation à laquelle le clergé est favorable. Fabricants pour la plupart, ils n’ont d’autre souci que de veiller à la sécurité de leurs usines et ils sont décidés à protéger leurs machines. Il suffit que leurs ouvriers descendent dans la rue pour qu’ils se groupent autour du pouvoir. Leur attitude s’explique par des motifs de conservation sociale : elle n’a rien de politique. S’ils soutiennent le gouvernement, ce n’est pas par principe, mais parce que la cause du gouvernement, en ce moment de crise, se confond à leurs yeux avec la cause de l’ordre.

À Bruxelles et à Liège d’ailleurs, les hommes qui viennent de prendre le pouvoir ne sont pas des radicaux. Leur but n’est que d’amener le gouvernement à accomplir les réformes que l’opinion exige. Ils ne songent pas à un changement de dynastie. Ce qu’ils demandent, c’est l’application « loyale » de la Loi fondamentale, c’est-à-dire son application conforme au vœu de l’union des partis : liberté complète de la presse et de l’enseignement, régime parlemen-

  1. Gedenkstukken 1830-1840, t. IV, p. 82.