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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/402

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LA SÉPARATION

des événements, il se flatte d’en venir à bout sans devoir employer la violence. L’ordre est donné à ses deux fils, le prince d’Orange et le prince Frédéric, de partir en hâte pour Bruxelles, à la tête de quelques régiments. Il leur suffira sans nul doute de se montrer pour en imposer aux têtes chaudes et rétablir le calme. Pas n’est besoin de leur tracer leur conduite en cas de conflit, puisqu’un conflit est trop improbable et serait d’ailleurs une provocation trop directe à la couronne pour qu’il faille y songer.

Les princes quittèrent La Haye en même temps que partait de Bruxelles la députation envoyée au roi : ils la croisèrent en chemin. Les directions étaient différentes ; le but était le même. Des deux côtés on voulait éviter l’irréparable : le roi, en se ramenant le peuple, le peuple, en se conciliant le roi. Mais ni l’une ni l’autre de ces tentatives ne pouvait réussir. Elles échouèrent en même temps, et leur échec eut pour résultat de hâter la catastrophe qu’elles étaient destinées à écarter.

Guillaume reçut les députations de Bruxelles et de Liège le 31 août. À l’exposé de leurs griefs, à leurs accusations contre ses ministres, il ne répondit qu’en objectant la Loi fondamentale et l’impossibilité de capituler devant l’émeute. Il avait résolu de convoquer les États-Généraux, seuls compétents pour juger de la nécessité d’une revision constitutionnelle. Il lui était impossible en attendant de rien promettre « le pistolet sur la gorge ». Il fallait avant tout que les princes entrassent à Bruxelles à la tête de leurs troupes, et fissent cesser ainsi « l’état apparent d’obsession auquel il ne pouvait céder sans donner un exemple pernicieux pour toutes les autres villes du royaume ». Au reste, il protestait de son horreur à faire couler le sang de ses sujets[1]. Mais cette protestation, si sincère qu’elle fût, laissait entrevoir qu’il s’y résignerait au besoin. Bref, la possibilité de l’entente dont s’étaient flattés les députés s’évanouit dès les premiers mots de la conversation. Ils durent s’avouer d’ailleurs que le langage du roi était le seul qu’il pût tenir. Parler autrement qu’il le fît, c’eût été donner

  1. De Gerlache, loc. cit., p. 48.