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DÉPUTATIONS AU ROI

taire, intervention des Belges dans l’État en proportion de leur nombre, suivant les principes de tout gouvernement constitutionnel[1]. Que cela doive aboutir à la séparation administrative, les esprits les plus pénétrants ne peuvent se le dissimuler. Mais cette séparation n’est incompatible ni avec le maintien du royaume, ni avec celui du souverain. Si elle est inévitable, d’avance on l’accepte. Ce qui est impossible, ce dont personne ne veut, c’est la conservation de ce qui est. Les Belges, dit le Courrier des Pays-Bas, « ont senti se ranimer dans leurs âmes le sentiment de leur dignité nationale. » Ils exigent des garanties et le temps presse. Le pouvoir doit agir au plus tôt, sous peine d’attirer sur lui « les plus grandes calamités ».

À Liège, dès le 27 août, la Commission de sûreté a décidé d’envoyer au roi une députation, et le lendemain, à Bruxelles, une cinquantaine de notables assemblés à l’hôtel de ville ont agi de même. L’adresse qu’ils remettent à leurs délégués affirme leur fidélité au souverain, mais sous le respect de ses formes, elle laisse entrevoir la gravité de la situation. Ses signataires « ne peuvent dissimuler à Sa Majesté que le mécontentement a des racines profondes », que le « système funeste suivi par des ministres qui méconnaissaient nos vœux et nos besoins » ne peut durer plus longtemps, et qu’il importe de convoquer sans retard les États-Généraux[2]. Une réforme est indispensable et, au bord de la guerre civile, on s’illusionne de l’espoir d’y arriver par la voie légale.

Si inattendue, si grave qu’elle soit, la nouvelle de ce qui se passe en Belgique n’a pas sérieusement alarmé le roi. Les événements de Bruxelles ne lui paraissent qu’une échauffourée. L’incapacité des fonctionnaires ne l’émeut pas, habitué qu’il est à n’avoir confiance qu’en lui-même. Mal instruit d’ailleurs

  1. Le 31 août, le Courrier de la Meuse demande « que le gouvernement se montre désormais franchement constitutionnel, qu’il renonce sincèrement aux principes du message du 11 décembre, que les doctrines de M. van Maanen et des Nederlandsche Gedachten soient répudiées sans restrictions ». Les autres journaux ne parlent pas autrement. Tous se bornent à demander une réforme constitutionnelle.
  2. De Gerlache, op. cit., t. II, p. 40.