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LA SÉPARATION

bien lui ouvrir le cénacle dont on avait cherché à l’exclure et se résigner à reconnaître l’existence de cette révolte que l’on se proposait, si l’on peut ainsi dire, d’escamoter. Dès le lendemain, deux nouveaux membres entraient dans la commission pour l’y représenter : un vieux jacobin, Rouppe, et un jeune libéral, Sylvain van de Weyer.

Mais déjà la situation avait changé. Le soir du premier septembre, les délégués envoyés auprès du roi étaient rentrés à Bruxelles. On apprenait que leur mission avait échoué, qu’aucune concession n’avait été faite, aucune promesse donnée et qu’il fallait s’en remettre à la décision des États-Généraux. À l’opinion surexcitée s’imposait donc un nouveau délai. Passe encore s’il eût autorisé quelque espoir ! Mais il était trop évident que les Belges n’avaient rien à attendre en suivant la voie légale. Les renvoyer aux États-Généraux, c’était les soumettre au bon plaisir des Hollandais qui y possédaient la moitié des sièges. En ce moment décisif, l’absurdité de la constitution s’affirmait aussi flagrante que révoltante. Puisque l’unité du royaume imposait à la majorité de la nation le joug de la minorité, il n’était pas possible d’en tolérer plus longtemps l’existence. L’affranchissement de la Belgique était à ce prix. La dignité et la justice ne lui permettaient pas de se sacrifier au maintien de l’État hybride qui l’opprimait. La séparation des deux parties du royaume que dès 1815 les esprits les plus clairvoyants avaient prévue, et dont de Potter avait récemment menacé le gouvernement, apparaissait maintenant comme la solution inévitable du conflit. Elle seule pouvait encore empêcher la guerre civile et la révolution. Elle devenait l’ultimatum des partis, le programme minimum de leurs revendications. À l’agitation confuse des derniers jours, elle assignait le but auquel il fallait tendre. Il n’y avait plus d’autre alternative que de l’obtenir ou de combattre. Et des symptômes menaçants montraient qu’il fallait se hâter. La population était houleuse. On avait brûlé dans les rues le rapport de la délégation faisant part de la réponse du roi. Des attroupements tumultueux se formaient, que la garde bourgeoise ne parvenait qu’avec peine à disperser. Ses chefs com-