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ORANGE CONSENT À LA SÉPARATION

mençaient à craindre pour la sécurité du prince d’Orange.

Lui-même s’épouvantait de la situation qu’il s’était faite. Aussi brave qu’imprudent, il avait affronté le péril sans en mesurer la grandeur et sans prévoir les conséquences de sa conduite. Il se sentait maintenant à la merci des événements et ne songeait plus qu’à sortir du mauvais pas où il s’était jeté. Les pouvoirs officiels qu’il avait voulu grouper autour de lui se dérobaient. Il s’épuisait en conversations compromettantes avec les députés aux États-Généraux, avec les chefs de la garde, avec les représentants des partis. Tous s’accordaient à lui affirmer « que le désir le plus ardent de la Belgique est la séparation complète entre les provinces méridionales et les provinces septentrionales, sans autre point de contact que la dynastie régnante ». Quelques-uns même osaient le croire capable d’ambitionner le titre de roi des Belges.

Demeurer plus longtemps à Bruxelles au milieu de semblables sollicitations, devenait impossible. Il accepta de faire connaître à son père les désirs du peuple « et de les appuyer de toute son influence ». Il laissa entendre qu’il reviendrait chargé de bonnes nouvelles et les chefs de la garde bourgeoise lui promirent sur l’honneur de ne pas souffrir, en attendant, de changement de dynastie. Une proclamation qu’il apostilla des mots « conforme à la vérité », fit connaître cette convention. La commission qu’il avait créée à son arrivée fut dissoute. Et il s’empressa de partir, emmenant avec lui la garnison et abandonnant Bruxelles aux chefs de l’insurrection à laquelle il s’était si légèrement flatté de mettre fin par sa présence (3 septembre). On ne devait plus le revoir. Le seul résultat de son intervention avait été de précipiter les événements et d’accroître la confiance des hommes qui les dirigeaient. Se croyant assurés de son appui, les plus modérés d’entre eux ne doutaient plus de la solution pacifique de la crise. « Concitoyens, disait une proclamation, soyons calmes, car nous sommes forts, et restons unis pour conserver et accroître notre force »[1].

  1. J’ai surtout suivi pour ces événements, le récit contemporain des Esquisses historiques de la Révolution de la Belgique en 1830, p. 87 et suiv. (Bruxelles, 1830). Cf. Du Monceau, loc. cit., p. 475 et suiv.