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LA SÉPARATION

abattait les arbres des boulevards et on élevait de nouvelles barricades, Les étrangers affluaient de plus en plus ; ils trompaient leur désœuvrement par l’agitation politique qui s’accroissait en durant. L’état-major de la garde bourgeoise s’effrayait de leur outrance. Le 8 septembre, il faisait afficher une proclamation, où tout en les remerciant de leur zèle, il les engageait « à suspendre momentanément leur marche et à se tenir prêts à voler au secours de leurs frères de Bruxelles si l’intérêt de la patrie l’exige »[1]. L’attitude du peuple avivait encore ses inquiétudes. Il défendait « d’exciter les bons ouvriers à se rassembler et à se porter à des excès », et il leur promettait du travail « pour faire disparaître le malaise qui est la conséquence nécessaire des événements qui viennent de se passer »[2].

Le moment était venu où le pouvoir qu’il avait lui-même usurpé allait glisser de ses mains. En prêchant la modération et la légalité, il semblait renier l’illégalité de ses origines et sa prudence, le rendant suspect, le discréditait. Pour se maintenir, il devait se transformer : il l’essaya. Le 11 septembre, avec l’assentiment de la Régence, les huit sections de la garde nommèrent une Commission de sûreté dans laquelle une place fut faite aux éléments les plus avancés de la bourgeoisie[3]. Son programme dépassait de beaucoup celui d’un simple corps municipal. Elle ne prétendait pas agir pour Bruxelles seulement. Si elle avait à veiller au maintien de l’ordre, elle devait aussi s’occuper de la séparation du royaume. Elle fut la première institution nationale que provoqua le cours irrésistible des événements.

Depuis le début des troubles, les libéraux n’avaient cessé de jouer le rôle prépondérant. Beaucoup plus nombreux, mais plus conservateurs et plus timides, les catholiques les laissaient faire, se bornant à les soutenir de leur adhésion. Rien d’étonnant, dès lors, si l’influence de Paris se marque si visible dans

  1. Esquisses, p. 138.
  2. Ibid., p. 138.
  3. Les pourparlers à ce sujet avaient commencé le 8. Voy. le curieux récit des Esquisses, p. 141 et suiv.