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LA SÉPARATION

la Société Générale refuse à la Commission de sûreté l’avance de quelques milliers de florins. Cependant, l’audace des Liégeois ne cesse de croître. Le 19, ils vont faire le coup de feu contre les Hollandais postés à Tervueren et à Vilvorde, s’emparent des chevaux de la « maréchaussée » et arrêtent la diligence d’Amsterdam. La Commission de sûreté qu’ils compromettent leur inflige un blâme. C’en est assez pour qu’ils l’accusent de trahison et marchent tambour battant sur l’hôtel de ville, entraînant à leur suite des bandes de peuple. La nuit se passe en agitations et en clameurs. D’Hoogvorst tente vainement de ramener le calme ; son prestige ne suffit plus à en imposer. Aucun chef ne possède assez d’autorité pour dominer les événements : ils échappent à toute direction, n’obéissant plus qu’à l’impulsion des plus violents. Au matin du 20, la garde bourgeoise se laisse désarmer par la foule, abandonne ses postes et cède ses fusils. La Commission de sûreté se dissout ; l’hôtel de ville est envahi et le peuple est maître de Bruxelles.

Parcourue par des bandes armées défilant en bon ordre le long des rues où toutes les boutiques ont clos leurs fenêtres, la ville présente un aspect formidable et sinistre. Nul pillage ; les vainqueurs ne songent évidemment qu’à la lutte. Aux troubles des derniers jours succède un calme impressionnant. Le club Saint-Georges, où se rassemblent les chefs du mouvement, cherche à organiser un gouvernement provisoire. Des noms sont répandus parmi les masses, discutés dans les sections, inscrits sur les drapeaux des volontaires. On propose de Mérode et van de Weyer pour Bruxelles, d’Oultremont et Raikem pour Liège, de Stassart pour Namur, Gendebien pour Mons, van Meenen pour Louvain, de Potter pour Bruges, et le choix de ces hommes, presque tous démocrates ou passant pour tels, est caractéristique. Mais, au milieu de l’émotion générale, comment procéder à des élections ? On vit dans la fièvre et dans l’attente. Des bruits de toute sorte circulent. On raconte que 10,000 gardes nationaux accourent de Paris, que le général Exelmans a passé la frontière. Seul d’Hoogvorst installé à l’hôtel de ville représente encore un semblant