les révolutionnaires devant lesquels la Prusse avait cédé. Marie-Christine attendait la nouvelle d’une victoire, et les émigrés royalistes de Bruxelles s’apprêtaient à reprendre enfin, dans quelques jours, le chemin de Paris.
En marche depuis le 27 octobre, à la tête de 60,000 hommes, Dumouriez, après avoir refoulé les avant-postes ennemis, parut le 6 novembre devant les hauteurs de Jemappes. La bataille dura toute la journée avec autant d’acharnement dans la défensive que de fougue dans l’assaut. L’élan des Français eut enfin raison de l’obstination autrichienne. L’attaque en masse, qui devait plus tard devenir une tactique, révéla pour la première fois sa puissance durant ce choc entre deux armées dont le duel était celui du passé et de l’avenir. À la fin du jour, la position était emportée au chant de la Marseillaise. Bender battait en retraite en bon ordre et sans être inquiété. Mais l’inattendu de sa défaite la rendait plus éclatante. Jemappes affirmait la force de la République comme Bouvines avait affirmé jadis celle de la royauté. Elle inaugurait triomphalement son expansion sur le monde en lui donnant la Belgique.
Il ne fallait pas songer, en effet, à la lui disputer. Depuis la démolition par Joseph II des places de la Barrière, Luxembourg seul pouvait encore arrêter l’ennemi. La retraite s’imposait et Bender n’hésita pas à l’ordonner. Dès le 7 novembre, Bruxelles était évacué par le gouvernement, et la foule lamentable des émigrés fuyait en désordre vers l’Allemagne ou vers la Hollande, au milieu des huées et des injures.
Car, dans un sursaut d’enthousiasme, la Belgique acclamait les vainqueurs. La Révolution française vengeait la Révolution brabançonne et rapportait l’indépendance à la nation. Les manifestes de Dumouriez ne l’attestaient-ils pas solennellement, et la Convention nationale ne promettait-elle pas son appui à tous les peuples qui voudraient s’affranchir ? La République récemment proclamée en France (21 septembre) ne pouvait offusquer les Belges : ne l’avaient-ils pas proclamée eux-mêmes dès 1790 en se soulevant contre Joseph II ? Le sentiment monarchique avait sombré chez eux avec l’attache-