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LES DÉFENSEURS DE BRUXELLES

celui qu’avait pris le Taciturne en 1566 : se replier momentanément pour attendre la revanche et la préparer. Les circonstances donnaient raison à ceux qui, comme Gendebien, n’avaient cessé de préconiser le retour à la France et d’affirmer que d’elle seule pouvait venir le salut. Dès la soirée du 22, c’est vers elle en effet que s’acheminaient les agitateurs devenus les victimes de l’agitation qu’ils avaient provoquée. Les uns coururent d’une traite jusqu’à Valenciennes, d’autres s’arrêtèrent en Hainaut. Rogier parti le dernier, bourrelé par le remords d’abandonner ces Liégeois qu’il avait quelques jours plus tôt amenés à Bruxelles, rôdait plein d’angoisse dans la forêt de Soignes.

Personne ne s’aperçut de leur départ. La désorganisation qui les épouvantait n’était que le résultat de l’exaltation des patriotes. Ils s’y abandonnaient sans redouter l’inégalité de la lutte, sans se soucier de se subordonner à des chefs, sans compter sur rien d’autre que sur eux-mêmes. En dépit des menaces de Frédéric contre les « étrangers », aucun de ceux-ci n’abandonna la place. Décidés à risquer leurs vies, que pouvaient-ils craindre ? Le péril même où ils s’étaient placés les mettait dans l’obligation de combattre. Liégeois, Louvanistes, Tournaisiens, Namurois, paysans de la banlieue, hommes du Brabant, de la Flandre et du Hainaut prenaient position derrière les barricades ou aux fenêtres des maisons, suivant les indications des vieux soldats qui se mettaient à leur tête. Les Bruxellois disparaissaient au milieu de ces auxiliaires qui jouèrent le rôle principal dans la bataille, si bien que la capitale de la Belgique fut défendue par les Belges plus encore que par ses habitants, et que la nation tout entière collabora à sa résistance. C’est en cela peut-être que s’atteste le mieux le caractère des journées de septembre, et c’est aussi par quoi elles diffèrent de la révolution purement parisienne de juillet, à qui elles ressemblent à tant d’autres égards.

Ce serait une erreur de croire, comme on l’a dit trop souvent, que les combattants sortaient uniquement de la « populace ». En réalité, ils appartenaient à tous les groupes sociaux. Il semble même que le prolétariat ne leur fournit que peu de