Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
414
LES JOURNÉES DE SEPTEMBRE

Rocour (30 septembre), un convoi envoyé de Maestricht pour ravitailler la citadelle de Saint-Walburge qui domine Liège et dont la garnison, bloquée par la garde bourgeoise, capitule le 6 octobre.

Les nouvelles de Bruxelles n’ont pas seulement démoralisé l’armée ; la désertion en masse des soldats belges et la défection de plusieurs officiers ne permettent plus à ses chefs de compter sur elle. Leur seule préoccupation est de regagner la Hollande et, en attendant, de s’abstenir de tout conflit pour éviter à leurs hommes la tentation d’une débandade. Le spectacle est lamentable et ridicule de ces belles fortifications toutes neuves, élevées pour en imposer à la France, et qui se laissent insulter par des volontaires équipés à la diable quand elles ne leur ouvrent pas leurs portes.

À mesure que l’affolement des Hollandais s’accuse plus visiblement, la confiance en soi-même grandit chez les insurgés[1]. Leurs forces augmentent en même temps que leur résolution. De toutes parts, les combattants affluent : déserteurs de l’armée, bourgeois patriotes, ouvriers sans travail, que des chefs improvisés agglomèrent pêle-mêle dans des « corps francs. » Chaque ville organise une garde civique. Une solde est payée aux hommes et, grâce à la reddition des forteresses, on ne manque ni d’armes, ni de poudre, ni même de canons. De France arrivent journellement des renforts, car si le gouvernement de Louis-Philippe est décidé à ne pas intervenir officiellement, le succès de la révolution lui est trop avantageux pour qu’il puisse s’abstenir de la favoriser sous main. Il n’ose d’ailleurs exaspérer les républicains de Paris en leur interdisant de courir à la rescousse de leurs « frères » belges. En apparence, il ferme la frontière, mais il a soin de n’en pas surveiller tous les passages. Il laisse le vicomte de Ponté-

  1. « Es ist erstaunlich, écrit le général prussien von Goedeke, welch ein einheitlicher Wille in dieser Revolution kundgiebt ». Mullendorf, Das Grossherzogthum Luxemburg unter Wilhelm I, p. 205. L’Allemand J. F. Staedtler constate « qu’il y a dans toutes les têtes une exaltation patriotique dont aucun pays peut-être n’offrirait l’exemple dans les mêmes circonstances », Buffin, Documents, p. 204.