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L’ARMÉE RÉVOLUTIONNAIRE

coulant lever à Paris une « légion parisienne » formée de Français et de Belges ou de soi-disant Belges habitant Paris et qui, dès le mois d’octobre, arrive en Flandre, pêle-mêle d’aventuriers, de têtes chaudes et de républicains espérant obliger la France à sortir de sa réserve en la compromettant. À leur exemple, tous les Français de Bruxelles prennent les armes ou s’offrent à diriger les opérations militaires : anciens officiers comme Mellinet et Niellon, simples intrigants comme Grégoire, idéalistes de la liberté comme ce Jenneval qui composa les paroles de la Brabançonne et qu’attendait une mort glorieuse au combat de Lierre (18 octobre). De Paris encore, Frédéric de Mérode apporte à la Révolution le prestige de son nom, et l’adhésion de ce grand seigneur catholique à la cause nationale atteste que l’union des partis demeure indéfectible.

Sans doute, la plupart des chefs militaires appartiennent à l’opinion libérale et républicaine. Mais à la voix des curés, des paysans accourent renforcer les troupes. Les campagnes se soulèvent à l’exemple des villes. Un même élan entraîne en dépit de la différence des langues, du rang social et des croyances, la nation tout entière[1]. Les divergences ne se révéleront que plus tard. En ce moment comme à l’époque de la Pacification de Gand, une même volonté s’impose à tous : refouler l’ennemi. Les Belges de 1830 se sont trouvés aussi unanimes contre les Hollandais que ceux de 1577 contre les Espagnols.

Leur énergie soutient et renforce le Gouvernement provisoire. Le 29 septembre il crée dans son sein, sous le nom de « Comité

  1. Gedenkstukken 1830-1840, t. III, p. 20. Cf. le rapport de Cartwright, Ibid., t. I, p. 138. Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. II, p. 90 et suiv. (Paris, 1859) Il est assez probable que l’on a exagéré l’importance des secours pécuniaires envoyés de Paris à Bruxelles. Le ministre russe Gourieff donne comme une preuve de ceux-ci le grand nombre de pièces de 5 francs nouvellement frappées qui circulent dans la ville. (Gedenkstukken 1830-1840, t. III, p. 404). Or, cette circulation peut parfaitement s’expliquer par le fait que le 31 août précédent, la Société Générale, craignant de devoir faire face à cause des troubles, au remboursement de ses billets, avait demandé à la banque Rothschild de lui envoyer un million de francs en espèces françaises. La Société Générale de Belgique, p. 31.