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LES JOURNÉES DE SEPTEMBRE

s’avisa pas qu’en envoyant son fils parlementer avec elle, il en reconnaissait la force et, qu’il le voulût ou non, prenait l’attitude d’un solliciteur et d’un vaincu demandant une audience au vainqueur. Rien n’était plus maladroit qu’une telle démarche parce que rien n’attestait plus clairement l’impuissance de son auteur et que rien ne pouvait renforcer davantage la confiance de ses adversaires.

Le prince s’était fait accompagner des trois membres belges du ministère, flanqués du nonce du pape, de Reyphins et de Dotrenge. Le choix de cet entourage prouvait les illusions au sein desquelles on s’attardait encore à La Haye. Quelle naïveté de s’imaginer que le nonce pourrait en imposer aux jeunes catholiques et Reyphins et Dotrenge aux jeunes libéraux ! C’étaient des revenants que le prince amenait avec lui et qui jouèrent sans conviction le rôle de comparses.

Lui, cependant, se prodiguait. Le lendemain de son arrivée (6 octobre), il lançait une proclamation pleine de promesses. Il venait, disait-il, chargé par le roi du gouvernement des « provinces méridionales ». Il avait porté aux pieds du trône leur vœu pour la séparation et ce vœu avait été « accueilli ». Sa Majesté leur accordait « provisoirement » une administration distincte, exclusivement composée de Belges et dont il serait le chef. Il garantissait en même temps le libre emploi des langues, la liberté de l’instruction et une amnistie complète. Pour croire à l’effet de cette déclaration, il fallait l’incurable légèreté du prince. Il ne s’apercevait pas même qu’elle insultait la Belgique en la qualifiant de « provinces méridionales », en lui offrant ce qu’elle avait conquis, et en opposant au gouvernement qu’elle s’était donné un autre gouvernement au nom du roi. L’avant-veille même du jour où elle paraissait, le Gouvernement provisoire avait proclamé l’indépendance du pays ! Le pont sur lequel tentait de s’avancer le prince était coupé. Il n’y eut pas même un commencement de négociations. Le 7, un manifeste signé par Félix de Mérode et van de Weyer dévoilait au peuple les intentions d’Orange, déclarait qu’il n’en serait tenu aucun compte, que les actes du roi étaient « nuls et non avenus », et que si le prince « voulait affaiblir l’indigna-