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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/443

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LE BOMBARDEMENT D’ANVERS

le 26 octobre, le lendemain du combat de Berchem, qu’il se résigne. À quatre heures du matin, le bateau à vapeur sur lequel il s’est réfugié dès la veille, l’emporte vers la Hollande. Il n’a pas le courage d’attendre l’arrivée de ces Belges dont, dix jours auparavant, il se déclarait le chef.

Sa retraite ne précéda que de quelques heures la prise d’Anvers. L’armée en était arrivée à ce degré de décomposition où tout effort devient impossible. Il eût suffi de ne pas ouvrir les portes pour empêcher les Belges, ne disposant que de six à huit mauvaises pièces d’artillerie et incapables de franchir les larges fossés creusés devant les remparts, de pénétrer dans la place. Mais la population devenait menaçante[1]. La garde civique se mettait à fraterniser avec le peuple. Déjà des coups de feu partaient des maisons. Les soldats affolés s’abandonnant, le vieux général Chassé n’osa risquer un combat de rues. Le matin du 27, il consentit à retirer les troupes dans la citadelle à condition qu’elles ne seraient pas attaquées, et il livra les clefs de la ville. Les Belges y pénétrèrent sans coup férir. Soit qu’ils ignorassent la convention, soit qu’il fût impossible de maîtriser leur fougue indisciplinée, ils se mirent aussitôt à tirailler. Une vive fusillade fut dirigée sur l’arsenal où le septième régiment hollandais perdit environ 300 hommes. Les instances de Saxe-Weimar arrachèrent alors à Chassé l’ordre de bombarder Anvers. Les navires de guerre embossés dans l’Escaut appuyèrent le feu de la citadelle. Le soir, une mer de flammes, au milieu de laquelle la flèche de la cathédrale s’élevait « comme un géant noir », s’étendait sur la ville[2]. Ce bombardement ne fut qu’une barbarie inutile,

  1. Pour les événements d’Anvers, voy. la relation orangiste publiée par Buffin, op. cit., t. II, p. 177 et suiv.
  2. Von Gagern, op. cit., t. II, p. 106. Sur ces événements, outre les détails qu’il donne ibid., p. 87 et suiv., voy. R. Starklof, Das Leben des Herzogs Bernhard von Sachsen-Weimar-Eisenach, t. I, p. 306 et suiv. Il résulte de ce récit que Chassé ne se décida à faire bombarder la ville que sur les instances de Saxe-Weimar. Gagern, loc. cit., p. 106, décrit aussi ses scrupules. « Hertog, dat repugneert mij », aurait-il répondu avant de se décider. Sur le bombardement d’Anvers, voy. quelques détails nouveaux dans R. Fruin, Beschrijving eener verzameling stakken betrekking hebbende op generaal Chassé. Verslagen omtrent ’s Rijks oude archieven, 1923.