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LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE ET LE CONGRÈS

point de l’accueil que leurs réclamations trouvèrent auprès du Gouvernement provisoire. Le 17 novembre, il cassait, sous prétexte d’irrégularité, les élections qui à Gand avaient maintenu au pouvoir l’administration orangiste.

Si, en pleine crise révolutionnaire, l’activité du Gouvernement provisoire réussit à empêcher la Belgique de tomber dans l’anarchie, c’est grâce au dévouement et à l’activité de ses membres, mais c’est aussi que son autorité fut volontairement acceptée par la nation. Ni les appels du prince d’Orange, on l’a vu plus haut, ni les tentatives de quelques meneurs soudoyés par sa cassette, ni les attaques furibondes de la presse orangiste ne réussirent à ébranler sa situation. Il est remarquable encore que, malgré la divergence de leurs opinions et l’opposition de leurs caractères, les hommes dont il se composait aient eu l’abnégation de se tolérer mutuellement. Des scènes violentes les mirent souvent aux prises[1], qu’ils réussirent à cacher au public et dont aucun d’eux ne chercha à tirer parti par ambition personnelle ou esprit d’intrigue. Leur force reposa sur leur union, sur la communauté de leur esprit civique et de leur sentiment du devoir. Grâce à eux, ils purent sinon surmonter du moins supporter les difficultés et les périls de l’heure.

Car, s’ils firent tout qu’ils devaient faire, il n’était pas en leur pouvoir d’épargner au pays une crise redoutable. La révolution, en arrêtant l’industrie, avait plongé le peuple dans la misère. Les impôts rentraient mal. Il était impossible de payer les créanciers de l’État et de rétribuer les fonctionnaires. Les expédients auxquels on avait recouru pour occuper les travailleurs ne suffisaient pas, et on devait refuser aux fabricants les avances qu’ils réclamaient sous menace de fermer leurs ateliers. Dans quantité de villes, la charité publique était le seul soutien des pauvres. À Gand, le 4 octobre, le Conseil communal empruntait 100.000 florins destinés à venir en aide à la classe ouvrière. Et cette détresse qui explique suffisamment les troubles du mois d’octobre dans le Borinage, était

  1. De Potter, Souvenirs personnels, t. I., p. 179 et suiv.