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OUVERTURE DU CONGRÈS

qui avaient naguère soulevé l’opinion. Le corps électoral les chargea d’achever, à titre de législateurs, l’œuvre qu’ils avaient commencée comme agitateurs politiques. Et c’est un symptôme bien significatif de la profondeur du mouvement qu’ils avaient déchaîné que cette fidélité de la confiance publique.

Le Congrès s’ouvrit solennellement le 10 novembre, au milieu d’une simplicité républicaine, dans la salle où avaient siégé avant 1830, les États-Généraux. Le Gouvernement provisoire, au nom duquel de Potter prit la parole, fut accueilli par des acclamations enthousiastes. Le moment était venu où, sa tâche achevée, il allait remplir sa promesse de disparaître. L’opposition de de Potter se brisa contre l’unanimité de ses collègues. Le 12 novembre, Rogier communiquait au Congrès leur décision de « remettre à cet organe légal et régulier du peuple belge le pouvoir qu’ils avaient exercé depuis le 24 septembre dans l’intérêt et avec l’assentiment du pays ». La réponse de l’assemblée n’était pas douteuse. Elle témoigna au Gouvernement provisoire la reconnaissance de la nation et lui exprima son désir et « sa volonté même » de le voir « conserver le pouvoir exécutif jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu par le Congrès ».

Le lendemain de Potter envoyait sa démission. S’il avait espéré que le peuple empêcherait qu’elle fût acceptée, il se trompa. Elle ne produisit pas plus d’émotion que la lettre qu’il adressa dix jours plus tard « à ses concitoyens » pour en exposer les motifs. Sa popularité, née au milieu de l’agitation politique, avait disparu avec elle. La persécution la lui avait donnée, le pouvoir la lui fit perdre. Ce démocrate personnel et autoritaire était au fond un homme de cabinet, un agitateur en chambre. Il n’avait rien de ce qu’il faut pour soulever les masses auxquelles il ne portait qu’un amour de tête. Trop orgueilleux pour servir le Congrès qu’il aurait voulu dominer, il préféra n’être rien plutôt que de se contenter d’un rôle secondaire. L’indifférence du peuple pour son idéal républicain et démocratique le remplit d’amertume. Brouillé avec ses amis, aigri, désillusionné, considérant la révolution comme manquée, il finit par se retirer à Paris dans une retraite qu’il