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LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE ET LE CONGRÈS

ne réussit pas à faire prendre pour celle d’un philosophe désabusé.

III

La commission chargée le 6 octobre par le Gouvernement provisoire d’élaborer un projet de constitution se composait de van Meenen, de Gerlache, Tielemans, P. Devaux, Ch. de Brouckère, H. Fabry, Bailliu, Zoude, Thorn, auxquels on adjoignit bientôt Lebeau, Nothomb, du Bus, Jullien et Blargnies. Ces noms prouvent que l’opinion libérale y était plus largement représentée que l’opinion catholique. Personne n’y prit garde, puisque tout le monde était d’accord pour réaliser le programme d’union sur lequel les deux partis s’entendaient. Aussi les travaux marchèrent-ils avec une rapidité extraordinaire. Le 25 octobre, la commission avait rédigé le projet. Il fut soumis au Congrès dès sa réunion.

Telle qu’elle sortit, le 7 février 1831, des délibérations de l’assemblée, la constitution belge apparaît comme le type le plus complet et le plus pur que l’on puisse imaginer d’une constitution parlementaire et libérale. Durant un demi-siècle, elle a passé en son genre pour un chef-d’œuvre de sagesse politique. Elle a exercé une action directe et souvent profonde sur tous les États qui, au cours du XIXe siècle, ont remanié ou élaboré leurs institutions suivant les principes du parlementarisme. Aucun d’eux pourtant n’a poussé aussi loin qu’elle les conséquences de ces principes, dispensé aussi largement la liberté et abandonné aussi entièrement le gouvernement de la nation à la nation elle-même.

Un concours de circonstances aussi extraordinaire que fugitif a entouré sa naissance. À vrai dire, elle est une réussite. Sans l’accord momentané du catholicisme libéral et du libéralisme politique, elle eût été impossible. Elle se trouve pour ainsi dire au point de croisement de deux courants d’idées qui avaient divergé dans le passé comme ils devaient diverger dans l’avenir, et elle a bénéficié de leur rencontre momentanée. L’union des catholiques et des libéraux conclue en 1828 n’eût