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LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE ET LE CONGRÈS

l’ordre économique. Abandonné à lui-même, l’individu trouvera spontanément ce qui lui convient. L’État n’est pas là pour le guider mais pour lui faire place ; son rôle est de s’abstenir. Il ne lui appartient pas de s’imposer au peuple ; son devoir est de le laisser librement se manifester.

Aussi le Congrès reprend-t-il pour les préciser et les garantir toutes les libertés déjà promulguées par le Gouvernement provisoire et les accueille-t-il sous la forme la plus illimitée : celle de la presse, celle de la parole, celle des langues, celle des cultes, celle de l’enseignement. Sur chacune d’elles, le gouvernement perd tout contrôle. Et, donnant l’exemple, le Congrès laisse la presse orangiste se déchaîner contre lui avec impunité. Il ne lui suffit pas d’admettre la liberté confessionnelle, il affranchit encore l’exercice de toutes les religions du contrôle de la police. Non seulement chacune d’elles pourra sans obstacles organiser ses cérémonies à l’intérieur ou à l’extérieur des églises, mais aucune autorisation ne sera imposée aux ordres monastiques, confréries ou corporations quelconques qui s’établiront à l’avenir dans le pays, à condition qu’ils en respectent les lois. Plus de concordat. L’Église étant parfaitement libre, l’État n’a plus à conclure avec elle de modus vivendi et renonce à toute influence sur les nominations épiscopales. En revanche, il assume l’obligation de rétribuer les ministres de tous les cultes, puisque les Églises, ayant cessé d’être des personnes juridiques, ont perdu le patrimoine qui subvenait jadis à leurs besoins. Bref, son abdication est aussi complète qu’il est possible, et l’attitude qu’il adopte répond exactement à la formule de Nothomb : « il n’y a pas plus de rapports entre l’État et la Religion, qu’entre la Religion et la géométrie ».

Cette abdication n’est pas moins frappante dans le domaine de l’instruction. Elle ne laissa pas de provoquer ici certaines résistances. Abandonner les écoles sans le moindre contrôle à l’initiative des particuliers et au choix des pères de famille, effrayait ceux des libéraux chez lesquels l’anticléricalisme l’emportait sur la logique. Si la liberté de l’enseignement découlait de leurs principes, ils ne pouvaient se dissimuler