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LA CONSTITUTION BELGE

qu’elle soumettrait en fait presque toutes les écoles libres à l’influence du clergé. Ils ne se résignaient pas à voir l’État ne disposer que d’un enseignement soumis aux surenchères de la concurrence. Il leur était dur de laisser disparaître toutes les réformes excellentes que Guillaume avait réalisées dans l’enseignement public. Mais l’union des partis était à ce prix. Pour les catholiques, la liberté de l’école avait été l’un des buts essentiels de la Révolution[1]. Elle fut admise sans autres restrictions que le recours aux tribunaux en cas d’abus.

La publicité de toutes les assemblées publiques ou judiciaires, de tous les budgets, de tous les comptes d’administration est une conséquence, au même titre que le rétablissement du jury, de l’esprit libéral de la constitution. Et l’on peut en dire autant de l’institution de la garde civique, armée de citoyens que le Congrès établit à côté de l’armée régulière comme une garantie indispensable de l’ordre et un recours contre la possibilité d’un coup d’État militaire.

Cet État, sur lequel l’emprise des citoyens s’exerce si puissante et dont le domaine est si étroitement restreint par la liberté de ses membres, comment convient-il de l’organiser ? En théorie, la plupart des constituants étaient républicains. Ils l’étaient, non seulement par principe mais aussi par l’absence de tradition monarchique. Les quelques légitimistes qui, en 1815, avaient encore défendu les droits de la maison de Habsbourg sur le pays avaient disparu. La maison d’Orange était trop impopulaire pour que ses partisans osassent élever la voix en sa faveur. La noblesse, au lieu de se grouper autour d’elle, lui avait toujours témoigné une hostilité déclarée. Bref, à défaut d’une dynastie qui eût des titres à faire valoir, aucun parti ne pouvait opposer la souveraineté d’un prince à la souveraineté nationale. Personne d’ailleurs ne s’effrayait de la République. N’était-ce pas elle qu’après la chute de Joseph II, la Belgique avait adoptée ? Le préjugé monarchique n’avait aucune raison d’être dans ce pays qui, depuis l’époque

  1. Elle fut votée par 75 voix contre 71. Félix de Mérode, s’attendant à la voir repoussée, s’écria : « Il ne valait pas la peine de faire une révolution. » Voy. ses Souvenirs, t. II, p. 244.