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LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE ET LE CONGRÈS

peuple le plus libre de l’Europe et cette conviction contribua à assurer la stabilité du régime qu’ils s’étaient donné. Jamais la constitution ne fut l’enjeu des luttes de partis qui devaient dans la suite agiter la nation. Par cela même qu’elle était l’œuvre commune de ces partis, elle demeura au-dessus et en dehors de leurs querelles. L’influence politique qu’elle réservait à la bourgeoisie, influence qui devait devenir à la longue de plus en plus exclusive, était trop largement compensée par les droits qu’elle reconnaissait au peuple, pour que celui-ci pensât à s’élever contre elle. Comme le disait déjà Jottrand, en 1838, elle lui fournissait les moyens de partager un jour la puissance dont elle n’avait gratifié que les seuls censitaires[1].

IV

Le jour même de l’ouverture du Congrès, le 10 novembre, le Gouvernement provisoire avait adhéré à la trêve imposée par la Conférence de Londres aux Belges et au roi Guillaume. Les Puissances reconnaissaient donc implicitement à la nation soulevée la qualité de belligérant. Mais elles se réservaient le droit de régler ses destinées et il n’était pas douteux que leur décision dépendrait de l’ajustage de leurs convoitises, de leurs rivalités et de leurs intérêts. La question de la Belgique étant une question européenne, les Belges n’auraient qu’à attendre la solution qu’il plairait à l’Europe de lui donner, et tout semblait indiquer que cette solution ne serait pas celle pour laquelle ils avaient pris les armes et que, dès le 4 octobre, le Gouvernement provisoire avait proclamée, c’est-à-dire l’indépendance de la Belgique. Pour éviter la guerre générale, elles s’accorderaient probablement sur un expédient qui, sans donner satisfaction complète à chacune d’elles, serait pourtant acceptable par toutes. On pouvait prévoir que tout en conservant la dynastie, elles reconnaîtraient aux provinces soulevées

  1. Voy. sa brochure intitulée : L’association du peuple de la Grande-Bretagne et de l’Irlande (Bruxelles, 1838).