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JEMAPPES

l’impôt, établissent un tribunal provisoire. À Mons, ils invitent toutes les communes de la province à nommer des municipalités et à constituer une assemblée générale des représentants du peuple souverain du Hainaut qui, réunie dès le 22 novembre, supprime la dynastie, les États, le Conseil de Hainaut, les ordres et les droits féodaux, et un peu plus tard décrète l’érection à Jemappes d’un monument en l’honneur des Français « morts en combattant pour la liberté des Belges »[1]. Ils savent bien qu’ils ne représentent que la minorité de la nation, mais ils ont confiance dans leurs principes, comptent sur le triomphe inévitable des « lumières de la raison » et se sentent soutenus par Dumouriez. Suivant ses exhortations, ils s’efforcent de mettre sur pied une armée nationale et d’organiser la propagande en faveur de la réunion d’une Convention. En revanche, ils s’abstiennent prudemment d’attaquer l’Église. Ils savent trop bien que rompre avec le clergé, ce serait susciter contre eux l’hostilité des masses.

Malheureusement, cette hostilité qu’ils redoutent, les clubs s’acharnent à la faire naître[2]. Dès le lendemain de Jemappes, une « Société des Amis de la Liberté et de l’Égalité » s’est ouverte à Mons, puis au fur et à mesure des progrès de l’occupation, chaque ville a possédé la sienne. Ici, ni prudence ni réserve. Les officiers français y paradent, y pontifient et y prêchent, aux applaudissements d’une poignée de Jacobins locaux, l’anticléricalisme le plus outrancier et la démagogie la plus radicale. Le général Verrière, inaugurant le club d’Anvers, vient, dit-il, « lever la cataracte des yeux des Belges ». Il se fait une gloire d’être « l’ennemi des despotes à crosse et à mitre, des tyrans à blason et à parchemins ». La raison d’un peuple instruit n’est-elle pas « l’anathème des rois, l’anathème du clergé, l’anathème des autorités usurpées ?[3]. Le

  1. L. Devillers, Inventaire analytique des archives des États de Hainaut, t. III, p. 279 (Mons, 1906).
  2. Sur les clubs, voy. P. Verhaegen, La Belgique sous la domination française, t. I, p. 126 et suiv. (Bruxelles, 1922).
  3. J’emprunte ces citations à son discours publié en français et en flamand en 1792.