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PROTESTATIONS CONTRE LE DÉCRET

vier 1793. À peine fut-il connu que de toutes parts s’élevèrent des protestations. Sauf à Liège, à Mons et à Charleroi, où l’administration était dominée par les avancés, ce fut un tollé général. La nation n’était pas plus disposée à se laisser « enjoindre » la liberté par la République, qu’elle ne l’avait été à se laisser enjoindre le progrès par Joseph II. On invoquait contre le décret cette même souveraineté du peuple qu’il prétendait instaurer à sa façon. On s’indignait de se voir mis « en tutelle » et traité en pays conquis. Car il était visible, et personne sur ce point ne se faisait d’illusion, que l’on allait tomber en un état d’annexion à peine déguisé et tellement insupportable que, pour en finir, il n’y aurait d’autre moyen que de demander l’annexion pure et simple.

La Convention était assiégée de plaintes et de remontrances. Les représentants de Namur la suppliaient de retirer ce « décret terrible qui porte une atteinte mortelle à notre souveraineté, à notre liberté, à notre égalité »[1]. « Législateurs, lui faisaient dire ceux de Bruxelles, les Belges ne sont pas ingrats, mais jaloux du droit de souveraineté dont la République française leur a reconquis l’exercice, ils ne seront jamais assez lâches pour se donner volontairement un maître », et ils qualifiaient le décret « d’attentat contre la souveraineté belgique »[2]. « Nos mœurs, écrivaient ceux de Louvain, nos usages, nos habitudes, nos penchants, notre caractère national et notre sol même, tout, en un mot, présente des différences trop marquées entre ces provinces et les nombreux départements de la France pour qu’une seule et même législation puisse nous conduire au bonheur par l’absorption dans l’immense république française »[3]. Dans plusieurs villes, les autorités refusaient de proclamer le décret. À Bruges, un général le faisait publier, faute de mieux, devant les troupes et quelques petits

  1. Procès verbaux des séances des représentants provisoires du peuple souverain du pays de Namur, N° du 30 décembre 1792.
  2. Procès verbaux… de Bruxelles, N° du 24 décembre 1792.
  3. Adresse des représentants provisoires du peuple libre de la ville de Louvain à la Convention nationale de France (1793). Sur l’ensemble des protestations, cf. Ad. Borgnet, loc. cit., t. II, p. 108 et suiv.